Source : Altituderando.
Appellations. Il est partout écrit « couvent de Sainte-Catherine ». Pourtant, cette abbaye, occupée par des moniales cisterciennes, devrait, en tout cas selon l’ancien droit canon (Corpus juris canonici, « Corps de droit canon », de 1582), être qualifiée de monastère. Rappelons quelques définitions :
Couvent : au sens strict, maison religieuse dans laquelle des frères ou des soeurs ne sont pas cloîtrés.
Monastère : au sens strict, maison religieuse dans laquelle des moines ou des moniales vivent à l'écart du monde*.
* Notamment en raison de la configuration des lieux, la stricte clôture n'a jamais vraiment été respectée à Sainte-Catherine.Situation. Le vallon dit de Sainte-Catherine se trouve juste au-dessus d’Annecy, plus exactement de Vovray, sur la montagne du Semnoz, entre le crêt du Maure et une crête surplombant Sacconges. Le chemin d’accès commence à quelque cinq cents mètres d’altitude, et mène, à près de deux cents mètres plus haut, à l’abbaye proprement dite, la Grangette (au singulier à l'époque) étant à un peu plus de sept cent cinquante mètres d’altitude, la Boverie à huit cent vingt.
Fondation. La maison religieuse du Mont, puis Sainte-Catherine-du-Mont, est fondée en 1179 par Marguerite Béatrice de Faucigny*, seconde épouse du comte de Genève, Guillaume Ier, laquelle fait venir des moniales cisterciennes de l’abbaye de Bonlieu, établie en 1160 à Sallenôves, près d’Annecy. Le monastère, d’abord simple prieuré, dépendant de celle-ci, devient, dès 1195, avec l'inhumation de Guillaume Ier, et jusqu'en 1367, la nécropole des comtes de Genève, où les familles nobles et bourgeoises d'Annecy placent certaines de leurs filles. En effet, c'est au XIIe siècle qu'apparaissent les moniales cisterciennes, au moment où l’ordre, branche réformée des bénédictins, fondé en 1098 à Cîteaux par saint Robert de Molesme suivant la règle de saint Benoît, connaît un essor considérable grâce à saint Bernard de Clairvaux.
* Certains pensent que Sainte-Catherine aurait été fondée, non par l'épouse, mais par la fille de Guillaume Ier, Marguerite Béatrice de Genève, qui porte les mêmes prénoms que sa mère, mais, décédée en 1257, elle serait née au plus tôt à l'époque de la fondation !!!Dans la Revue savoisienne de 1867, le juriste et historien Jules Vuy, décédé en 1896 à Carouge, a « le plaisir de mettre au jour une charte inédite qui se rapporte aux abbayes de Bonlieu et de Sainte-Catherine, et qui remonte à la première moitié du XIIIe siècle », laquelle montre, en bref, que Sainte-Catherine n'acquiert son indépendance qu'en 1243. Le magistrat et historien François Mugnier, décédé à Chambéry en 1904, ajoute (voir sources en bas de page, op. cit., page 40) que « le titre d'abbesse de Sainte-Catherine-du-Mont apparaît, pour la première fois, avec Agathe de Genève » (et non de Genevois) en 1253, où il remplace celui de prieure.
Le chanoine Claude-Antoine Ducis, historien et archiviste, décédé en 1895 à Annecy, précise, dans la Revue savoisienne de 1875, page 30, que deux frères de la deuxième abbesse, Robert de Genève, évêque de Genève, et Guy de Genève, évêque de Langres, auraient été ensevelis dans l’abbaye, respectivement en 1288 et en 1290.
Règle. Selon le chanoine Ducis (op. cit., page 29), le costume des moniales « se composait d’une robe de laine d’un blanc gris, retenue à la taille par une corde, et sur laquelle s’abattaient les deux bandes d’un scapulaire noir. Une guimpe blanche couvrait la gorge et les épaules, et un voile noir pour les professes et blanc pour les novices couvrait la tête et le buste. Au chœur, les professes portaient une ample tunique blanche appelée coule. Les sœurs converses avaient presque le même costume, mais plus simple et de couleur cendrée à cause de leurs occupations. Toutes gardaient leurs vêtements pour aller prendre le repos, qui durait de huit heures du soir jusqu’à cinq heures du matin, sauf l’interruption entre minuit et une heure et demie pour le chant de matines et laudes. Le chant des autres parties de l’office était distribué en six autres moments de la journée. L’exercice de l’oraison mentale avait lieu le matin et à la tombée du jour. Elles ne faisaient que deux repas, le premier après dix heures du matin, le second à six heures du soir. L’abstinence des aliments gras était obligatoire toute l’année. Le jeûne et la discipline devaient avoir lieu les mercredis et vendredis et les vigiles des fêtes. Le silence était perpétuel, sauf pendant une heure après le premier repas et une demi-heure après le second. Les professes et les novices s’occupaient, à certaines heures, de travaux manuels, comme coudre, filer ou soigner le petit jardin. Le grand jardin était dévolu aux sœurs converses, ainsi que les autres travaux de la campagne, dans lesquels elles pouvaient être aidées par des domestiques attachées à la maison sans aucune obligation conventuelle ».
Droits et donations. En 1227, à Annecy-le-Neuf, le comte de Genève Guillaume II accorde le droit d’asile perpétuel sur toutes les terres de l’abbaye au Semnoz (le monastère et son église en jouissant déjà par nature), c’est-à-dire que « tout homme, ou toute femme, qui, à raison d’une faute ou offense quelconque, se réfugiera dans ladite maison, y soit en sûreté absolue et affranchi de tout danger et de toute peine, tant dans sa personne que dans ses biens […]. Nous exceptons de l’immunité les [voleurs de grand chemin] et des églises, les ennemis manifestes de la comté et les traîtres […], les homicides, à moins qu’ils n’aient tué en état de légitime défense. » La même année, le comte octroie à l’abbaye le droit de percevoir la leyde (impôt sur les marchandises) du sel à Annecy ainsi que la dîme (impôt sur les récoltes) du blé à Flagy (Groisy), l’exonère de tout péage pour l’achat ou la vente de produits, et lui permet d’acquérir tout fief en franc-alleu (à titre gratuit et en pleine propriété) dans la comté. De plus, il lui donne ses possessions à Malaz (Seynod), les tènements (terres contiguës) de Guillaume de Semnoz, de Rodolphe le Chauve et d’Hugues de Novelles, une vigne à Annecy-le-Vieux, un champ de blé à Brogny, du vin pour dire la messe ; en outre, il lui cède, à perpétuité, tous ses droits sur la montagne du Semnoz. Dans le même acte, Albert de Compeys, le père d’une abbesse, offre à l’abbaye les moulins du Thiou à Annecy, et lui promet d’assurer l’entretien d’un luminaire perpétuel ainsi que la livraison régulière de diverses victuailles.
En 1280, Robert de Genève, évêque de Genève, concède les moulins et battoirs de Gruffy à l’abbaye, où il sera inhumé huit ans plus tard. En 1389, un autre Robert de Genève, le pape Clément VII, alloue aux moniales du Semnoz un personnat (petit bénéfice ecclésiastique) vacant dans l’église de Thônes.
A noter, en 1689, le duc Victor-Amédée II place l’abbaye sous sa protection spéciale « avec défense à toute personne d’en molester les religieuses en quelque manière que ce soit » !
Source : Altituderando.
Intervention de saint François de Sales. Dès 1606, à la suite de son inspection, l’évêque de Genève, en résidence à Annecy, constate la dégénérescence de certaines communautés religieuses anciennes et entreprend de les réformer dans l’esprit du concile de Trente. Au fond, il souhaite restaurer l’autorité épiscopale sur les ordres en vue de garantir la stricte observance de leur règle. De plus, désirant favoriser les religieux actifs, il fait preuve d’indulgence envers les frères mendiants tandis qu’il se montre sévère à l’égard des religieux cloîtrés et contemplatifs. Il enjoint notamment aux moniales cisterciennes de Sainte-Catherine ainsi qu’à celles de Bonlieu de s’installer en ville d’Annecy afin de mieux les surveiller, mais elles refusent ! Cependant, avec son aide, Louise de Ballon et quelques autres religieuses tentent de lutter contre le relâchement de la discipline et de ramener l’austérité à l’abbaye, mais c’est en vain et, en 1622, elles finissent par la quitter pour fonder, à Rumilly, une communauté plus stricte dite de bernardines réformées. Cette scission est sans doute à l'origine de la légende des cinq dames blanches, censées être mortes de chagrin et qui, depuis, errent, comme des âmes en peine, dans le vallon déserté !
Abandon. En 1714, les moniales de chœur, par ordre alphabétique : Angélique de Barnous, Josèphe Prospère de Blancheville d’Héry, Jacqueline Charlotte Excoffon, Louise Amédée de Gruel-Villars, Marie Balthazarde de Menthon-Dingy, Marie Anne et Jacqueline de Reydelet, Antoinette Rouph, Jacqueline Péronne de Sales, en mesure de voter, élisent leur nouvelle abbesse, Françoise de Bellegarde-Entremont, mais le roi impose Marie Victoire de Menthon !
En 1770, l’abbaye ne compte plus que huit religieuses de chœur, dont une seule novice et sept professes âgées en mauvaise santé, six converses et un vieux frère oblat, ses ressources sont maigres, ses bâtiments menacent ruine : la demande des moniales d’être réunies à la communauté de Bonlieu à Annecy est acceptée deux ans plus tard. Donc, il est absolument faux d'affirmer, comme le fait, entre autres, un article dans un journal régional, que la réunion de Sainte-Catherine à Bonlieu résulte des « excès aberrants » des moniales !!!
Description. En 1771, lors de sa visite, monseigneur Biord décrit ainsi l’abbaye : la porte cochère donne accès à une grande cour en pente.
A gauche de celle-ci, se dresse « l’abbatiale », qui, à un premier niveau, comprend une cuisine et un vaste garde-manger, où les domestiques
prennent leurs repas. Un escalier mène à l’étage supérieur et aux appartements de l’abbesse constitués de trois pièces : un salon de réception, une
grande chambre et une autre plus petite pour les servantes.
Un autre escalier conduit, plus bas, à un réfectoire pouvant accueillir une vingtaine de convives, derrière lequel se trouve le chauffoir*. Puis,
le noviciat, formé d’une pièce et d’un cabinet, est suivi de l’infirmerie et d’un dortoir avec douze chambres particulières. Dans l’aile, en contrebas,
après avoir traversé la sacristie, on entre dans l’église par le chœur aux seize stalles de noyer.
* Salle chauffée où les moniales se réunissent l'hiver par grand froid.
A droite de la cour, s’élève un second corps de bâtiment composé de quatre chambres pour l’aumônier et les visiteurs, d’une autre pour les domestiques,
d’un four, de la boulangerie et de la fromagerie, ainsi que des écuries qui donnent sur un pré.
En outre, il y a un lavoir, un grand grenier aux grains et une belle cave.
Source : H. Révoil, Architecture romane du midi de la France.
Les abbesses de Sainte-Catherine (de 1179 à 1253, il n'y avait que des prieures dépendant de l'abbaye de Bonlieu) :
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