La mystérieuse inscription sur la voie romaine de Dingy-Saint-Clair

La mystérieuse inscription sur la voie romaine de Dingy-Saint-Clair

Page modifiée et augmentée le 16 février 2024.



Source : Taricha Rivularis, sous licence Creative Commons.

Voie romaine surplombant le Fier dans le défilé de Dingy-Saint-Clair.

(L'inscription se trouve sur la paroi rocheuse à gauche.)



Dans le défilé de Dingy-Saint-Clair, sur la paroi rocheuse, à 1,67 m au-dessus de l'antique voie romaine, une inscription est gravée dans un cartouche mouluré (88 cm x 62 cm) à queues d’aronde sur les petits côtés :
LTINCIVS
PACVLVS
PERVIVMFEC
soit L(ucius) Tincius Paculus pervium fec(it), « Lucius Tincius Paculus a fait (faire) ce passage ».

N.B. A l'époque, les mots étaient en majuscules, n'étaient pas séparés et, pour mieux déchiffrer, on lisait non seulement des yeux, mais aussi à voix basse.

Selon l'historien Bernard Rémy, dans son étude sur l'évergétisme dans la cité de Vienne au Haut-Empire (voir sources ci-dessous), cette inscription daterait du principat de Tibère, c'est-à-dire entre 14 et 37 apr. J.-C.



Source : Taricha Rivularis, sous licence Creative Commons.

L'inscription dans son cartouche.



D’anciens auteurs ont cru que Lucius Tincius Paculus était un personnage important envoyé de Rome afin de construire cette route, mais, en réalité, comme le remarque, en 1861, l'abbé Ducis, historien et archiviste (voir sources ci-dessous), ce citoyen romain « paraît être tout simplement un propriétaire de la localité, sans caractère officiel, car, s’il avait eu une mission légale, l’inscription n’aurait pas manqué de le constater avec tous ses titres ; toute l’épigraphie romaine appuie ce principe. Ce travail ne peut donc avoir été qu’une œuvre privée ». L'érudit Ducis ajoute une autre raison plus technique : la voie n’a ni la largeur ni l’inclinaison minimales imposées par l’Etat. En fait, L. Tincius n’a fait qu’abaisser le niveau d’un chemin allobroge préexistant, dont il a adouci la pente et qu’il a élargi, ce qui représente toutefois un bel ouvrage dans le rocher de cette gorge sauvage.

Ce personnage était sans doute propriétaire d’un domaine foncier sur le territoire voisin du futur village de Dingy, où mène la voie romaine venant de Nâves, puisque le toponyme Dingy est issu de la villa Tinciaca, « propriété agricole de Tincius » (cf. Henry Suter dans sources ci-dessous). Bernard Rémy, dans son étude sur les élites de la cité de Vienne au Haut-Empire (voir sources ci-dessous), note que quatre notables Tincii sont attestés à Vienna (Vienne), Aquae (Aix-les-Bains), où un Tincius Derco est decemlectus (une des dix personnalités du conseil municipal) dès la première moitié du Ier siècle apr. J.-C., et Boutae (Annecy) : il estime qu'ils sont liés à la grande famille des Titii.

Sources


  • DUCIS, Claude Antoine, Mémoire sur les voies romaines de la Savoie, Annecy, imprimerie Thésio, 1861.

  • RéMY, Bernard, « Un témoignage de la romanisation de la cité de Vienne au Haut-Empire : l'évergétisme », Persée, 1992.

  • RéMY, Bernard, « Les élites locales et municipales de la colonie de Vienne au Haut-Empire », Persée, 1998.

  • SUTER, Henry, Noms de lieux de Suisse romande, Savoie et environs.


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