La bataille de Diên Biên Phû (13 mars - 7 mai 1954) est la dernière grande bataille de la guerre d'Indochine française (décembre 1946 - juillet 1954). Contrairement à une légende tenace dans le grand public, elle ne met pas fin à la guerre qui se poursuit ensuite pendant près de trois mois et pourrait se poursuivre encore, mais, ayant pris une grande importance symbolique sur la scène internationale, cette défaite affaiblit la position du gouvernement français dans les négociations qu’il cherche à engager depuis un an. Alors que la bataille fait encore rage, le 26 avril 1954, des discussions internationales sur la question indochinoise commencent à Genève. Au bout de trois mois de pourparlers, des accords sont signés le 21 juillet 1954 et fixent le cessez-le-feu au 27 juillet pour le Tonkin (nord du Viêt-nam actuel), au 1er août pour l'Annam (centre du Viêt-nam actuel), au 11 août pour la Cochinchine (sud du Viêt-nam actuel). Ils entérinent la partition du Viêt-nam en deux Etats à hauteur du 17e parallèle : au nord, la République démocratique du Viêt-nam (en fait, communiste, soutenue par l'URSS et la Chine rouge) et, au sud, à la suite de la déposition de l'empereur Bao Daï en 1955, la République du Viêt-nam (nationaliste, soutenue par la France et les USA). La dernière tête de pont française au nord de la ligne de démarcation est évacuée le 15 mai 1955 et le corps expéditionnaire français se replie au sud. Cependant, le 26 janvier 1956, le gouvernement sud-vietnamien, désormais directement assisté par les USA, demande à la France de quitter le pays. Les derniers militaires français partent de Saïgon en septembre 1956.
Bref historique. Au cours de la seconde moitié du 19e siècle, la France conquiert l’Indochine (colonie de Cochinchine, occupée dès 1858, protectorats de l’Annam, du Tonkin, du Cambodge et du Laos) pour commercer avec la Chine du Sud et exploiter les ressources minières et agricoles. La République française apporte ordre, sécurité, santé, éducation, infrastructure et développement économiques, mais surtout au profit d’une partie des élites indochinoises et d’une minorité de métropolitains. De 1920 à 1940, des insurrections nationalistes sont réprimées ; le parti communiste indochinois, fondé en 1930, fomente des troubles. En 1940, à la suite de la défaite de la France en métropole, les Japonais dominent l’Indochine et encouragent en sous-main les mouvements anticolonialistes contre les Blancs, dont le Viêt-minh créé en 1941 par les communistes et dirigé par Hô Chi Minh. En mars 1945, afin d’éviter un débarquement américain, l’armée nipponne massacre les garnisons françaises dispersées et mal équipées qui livrent pourtant un baroud d’honneur. Par anticolonialisme, Roosevelt refuse son aide. Le Viêt-minh en profite pour se renforcer considérablement et, après la capitulation du Japon en août 1945, prend le pouvoir au Tonkin en proclamant la République indépendante du Viêt-nam. Cependant, le gouvernement français envoie des forces armées sous les ordres du général Leclerc en vue de restaurer la souveraineté de la France. En mars 1946, des accords sont signés : la France reconnaît le nouvel Etat du Viêt-nam, mais seulement en tant que partie de la Fédération indochinoise dans le cadre de l’Union française, c’est-à-dire avec une autonomie très réduite. Aussi les attentats meurtriers se multiplient-ils, notamment dans le secteur vital du port de Haïphong que la marine française bombarde, faisant plusieurs centaines de morts. Le Viêt-minh tente alors de s’emparer d’Hanoï où il commet des atrocités, mais il est repoussé. De 1947 à 1949, tandis que l’armée française recherche en vain la bataille rangée qui détruirait les forces vives du Viêt-minh, celui-ci, strictement encadré par les communistes et rigoureusement organisé, mène la guérilla avec milices locales et troupes régionales, tout en renforçant ses troupes régulières, lesquelles entreprennent une guerre de mouvement sur un vaste espace. En 1949, renonçant à négocier avec le Viêt-minh, la France, qui a fait appel à l’ex-empereur Bao Daï, accorde davantage de pouvoirs à un Etat vietnamien associé. La même année, les communistes triomphent en Chine et soutiennent à fond le Viêt-minh qui manifeste sa nouvelle puissance de feu en anéantissant huit bataillons français lors de l'évacuation de la place de Cao Bang au nord du Tonkin : l’Indochine devient un front de la guerre froide. En métropole, le parti communiste français se déchaîne contre la sale guerre et du matériel militaire est saboté. De leur côté, les Américains, engagés contre les Chinois en Corée, acceptent d’aider militairement l’Indochine française à condition que la France octroie la pleine souveraineté au Viêt-nam baodaïste. Sûr de lui, le Viêt-minh lance son corps de bataille contre le delta du fleuve Rouge, mais il est vaincu à trois reprises par le général de Lattre de Tassigny, nouveau commandant en chef, qui galvanise la résistance et fait construire une ligne de défense fortifiée. Des armées nationales indochinoises sont constituées. En 1952, le Viêt-minh progresse vers le Laos et se casse les dents sur la base aéroterrestre de Na San, ce qui explique la foi en celle de Diên Biên Phû. Le général Salan, succédant à de Lattre, perturbe la logistique adverse et consolide les maquis anticommunistes de contre-guérilla dont le Viêt-minh écrase une partie grâce à l’aide chinoise. En 1953, ce dernier menace de nouveau le Laos, mais des camps retranchés enrayent son offensive. A l’arrivée du nouveau commandant en chef, le général Navarre, le Viêt-minh dispose d'environ quatre cent mille hommes (dont cent vingt-cinq mille de troupes régulières et soixante-quinze mille de troupes régionales infiltrées) contre environ quatre cent cinquante mille pour les forces de l’Union française (dont cent soixante-quinze mille pour le corps expéditionnaire français, qui ne compte que cinquante-cinq mille métropolitains).
Le 24 juillet 1953, le général Navarre déclare *1 au comité de Défense nationale qu’il ne pense pas être en mesure d’entreprendre de grandes opérations contre le Viêt-minh avant l’automne 1954 même s’il envisage d’adopter une attitude résolument offensive à partir d’octobre 1953 dans le centre et le sud indochinois. Au sujet du Laos, il demande au gouvernement d’empêcher, par voie diplomatique, le Viêt-minh d’agir ou, en cas d’attaque de celui-ci, de l’autoriser à ne pas « s’engager à fond » au nord du royaume qui présente « peu d'intérêt militaire dans l'immédiat ». Il propose de développer les armées nationales et de mettre en oeuvre un corps de bataille efficace, ne serait-ce qu’avec des renforts temporaires, mais indispensables. Il demande également au gouvernement d’inciter les Etats associés à vraiment s’impliquer, de clarifier les rapports entre eux et l’Union française et de définir nettement les « buts de guerre », à son avis, « une des conditions essentielles du succès » qui permettrait de retirer progressivement le corps expéditionnaire en maintenant des « positions françaises satisfaisantes » dans les domaines économique, politique et militaire. C'est seulement le 4 décembre que le général Navarre apprend que le gouvernement lui refuse tout renfort, « l'invite à ajuster ses plans aux moyens mis à sa disposition […][et à] amener l'adversaire à reconnaître qu'il était dans l'impossibilité de remporter une décision militaire », ce qui semble contradictoire !
Fin 1953, face à la menace d'une offensive généralisée du Viêt-minh, alors que se profilent des négociations pour la paix, ce n’est pas une mauvaise idée de la part du commandement français que d’établir une base aéroterrestre (vite devenue, en fait, un nouveau camp retranché) à Diên Biên Phû au Tonkin, près de la frontière du Laos, afin de défendre ce dernier et détourner ainsi le gros des forces du Viêt-minh des régions côtières vitales tout en les obligeant à livrer une bataille rangée classique où l’armée française reste supérieure avec son artillerie lourde, ses blindés et son aviation. Cependant, à l'annonce de la conférence de Genève le 22 février 1954 à Berlin, Diên Biên Phû devient un enjeu politique de premier plan. Tandis que le général en chef communiste Giap est déterminé à enlever la place à n'importe quel prix, le général en chef français Navarre considère toujours Diên Biên Phû comme une diversion et ne prend la mesure de son importance psychologique dans l'opinion française et internationale qu'à la mi-mars dans une note sur la situation militaire adressée au général Ely, chef d'état-major des armées.
En effet, le général Navarre, pourtant bien informé, sous-estime largement son adversaire et ne croit pas qu'il soit capable de mettre en oeuvre de l'artillerie lourde à longue portée et antiaérienne puissante ni qu'il puisse ravitailler des troupes nombreuses en vivres et munitions pendant longtemps. Aussi n'essaie-t-il même pas de couper les communications de l'ennemi. Pourtant, le Viêt-minh, équipé et armé par la Chine communiste, qui accentue fortement son soutien matériel début 1954 et envoie de nombreux conseillers et techniciens militaires, voire des servants d'armes lourdes, s’est considérablement renforcé. Grâce à deux cent soixante mille civils (selon l’historien Ngo Dang Tri de l'Université nationale du Viêt-nam), qui effectuent les travaux d'infrastructure et les tâches de ravitaillement au moyen de milliers de bicyclettes Peugeot et de mille camions russes Molotova fournis par la Chine, le général Giap acheminera vers Diên Biên Phû (toujours d'après le chercheur vietnamien susmentionné), au total, quelque cent mille combattants (divisions 304, 308, 312, 316 et division lourde 351) alors que les Français ne disposeront que de onze mille hommes jusqu'à la mi-mars et quinze mille à la fin. De plus, outre des canons sans recul de 75 mm et des « orgues de Staline » (en fait, des lance-roquettes sextuples chinois de 90 mm), le général communiste fait transporter vingt mortiers de 120 mm, vingt-quatre canons de montagne de 75 mm et surtout vingt-quatre obusiers de 105 mm US HM2 ainsi que quarante-huit tubes antiaériens (soixante-douze à la fin, selon le général Yves Gras) de 37 mm soviétiques et américains pris par les Chinois en Corée, qu’il réussit à faire installer et dissimuler dans la jungle des collines dominant la cuvette où se trouvent les Français. En 2003, le général Vuong Hong Trinh, de l'Institut d'histoire militaire du Viêt-nam, a précisé que, sur vingt mille obus de 105 mm, près de quatre mille avaient été livrés par la Chine, mais environ cinq mille récupérés sur divers champs de bataille en Indochine et plus de dix mille interceptés lors des parachutages à l'armée française, dont la moitié sont tombés en dehors du camp retranché. D'après Philippe Gras, dans son article « Aspects du soutien aérien dans la bataille de Diên Biên Phû » (voir lien ci-dessous), « il semble que le Viêt-minh ait reçu (en caisses), durant toute la bataille, 3500 obus de 105 mm, 4000 obus de 75 mm et 7000 obus de mortier de 60 et de 81 mm ».
La base aéroterrestre de Diên Biên Phû (officiellement le GONO, Groupement opérationnel du Nord-Ouest) est commandée par le colonel, puis général (Christian Marie Ferdinand) (de La Croix) de Castries (prononcez « castre »), cinquante et un ans, un cavalier sportif et baroudeur, vingt et une citations dont seize palmes, commandeur de la Légion d'honneur, mais peu au fait des combats d'infanterie. Entièrement aérotransporté (sauf pour le bois) et ravitaillé uniquement par air grâce à son terrain d’aviation, le camp retranché est organisé, sur un vaste espace, en trois secteurs, Nord, Centre et Sud, constitués chacun de centres de résistance (C.R.) tenus notamment par des bataillons de légionnaires, de parachutistes et de troupes coloniales nord-africaines et vietnamiennes (seulement 25% de Français métropolitains) dont les compagnies occupent des points d’appui (P.A.) avec des mitrailleuses *a), des mortiers *b) et des canons sans recul *c).
*a) (légères de 7,62 mm, calibre US 30 - 18 kg sur trépied - 500 cps/mn à 800 m, portée pratique -
et lourdes de 12,7 mm, calibre US 50 - 58 kg sur trépied - 500 cps/mn à 1200 m, portée pratique)
*b) (légers de 60 mm - 18 kg - 24 cps/mn à 1000 m, portée max. - et moyens de 80 mm - 58 kg -
18 cps/mn à 3000 m, portée max.)
*c) (légers de 57 mm - 20 kg - 6 cps/mn à 1000 m, portée pratique - et moyens de 75 mm - 50 kg -
6 cps/mn à 2000 m, portée pratique)
Les C.R. portent des prénoms féminins dans l'ordre alphabétique : Anne-Marie, Béatrice, Claudine, Dominique, Eliane, Françoise, Gabrielle, Huguette, Isabelle. Ils sont regroupés et occupés comme suit :
Emplacements | Unités |
SECTEUR NORD | |
Gabrielle | 5e bataillon du 7e régiment de tirailleurs algériens (V/7e R.T.A.) |
Anne-Marie | bataillon thaï n° 3 (B.T. 3) |
SECTEUR CENTRE OUEST | |
Béatrice | 3e bataillon de la 13e demi-brigade de Légion étrangère (III/13e D.B.L.E.) |
Dominique | 3e bataillon du 3e régiment de tirailleurs algériens (III/3e R.T.A.) et bataillon thaï n° 2 (B.T. 2) |
Eliane | 1er bataillon du 4e régiment de tirailleurs marocains (I/4e R.T.M.) |
SECTEUR CENTRE EST | |
Huguette | piste d’aviation (20 appareils affectés à la base) et 1er bataillon du 2e régiment étranger d’infanterie (I/2e R.E.I.) |
Françoise | une section du bataillon thaï n° 2 (B.T. 2) |
Claudine | poste central de commandement, 1er bataillon de la 13e demi-brigade de Légion étrangère (I/13e D.B.L.E.), une batterie (4 obusiers de 155 mm) du 4e groupe du 4e régiment d’artillerie coloniale (IV/4e R.A.C.), trois batteries (12 obusiers de 105 mm) du 2e groupe du 4e régiment d’artillerie coloniale (II/4e R.A.C.), une batterie (4 obusiers de 105 mm) du 3e groupe du 10e régiment d’artillerie coloniale (III/10e R.A.C.) et deux pelotons (6 + 1 chars M24) du 3e escadron du 1er régiment de chasseurs à cheval (III/1er R.C.C.) |
SECTEUR SUD | |
Isabelle | 2e bataillon du 1er régiment de tirailleurs algériens (II/1er R.T.A.), 3e bataillon du 3e régiment étranger d’infanterie (III/3e R.E.I.), deux batteries (8 obusiers de 105 mm) du 3e groupe du 10e régiment d’artillerie coloniale (III/10e R.A.C.) et un peloton (3 chars M24) du 3e escadron du 1er régiment de chasseurs à cheval (III/1er R.C.C.) |
GROUPEMENT AEROPORTE D'INTERVENTION basé sur Claudine | |
Parachutistes de la Légion étrangère (bérets verts) | 1er bataillon étranger de parachutistes (1er B.E.P., commandant Guiraud, 655 h. dont 335 Vietnamiens), présent au départ |
2e bataillon étranger de parachutistes (2e B.E.P., commandant Liesenfelt, réduit à 400 h.), largué le 10 avril | |
Parachutistes coloniaux (bérets rouges) | 1er bataillon de parachutistes coloniaux (1er B.P.C., commandant Souquet, 720 h. dont 415 Vietnamiens), largué du 3 au 5 mai |
6e bataillon de parachutistes coloniaux (6e B.P.C., commandant Bigeard, 650 h. dont 200 Vietnamiens), largué le 16 mars | |
8e bataillon de parachutistes coloniaux (8e B.P.C., dit « 8e choc », commandant Tourret), présent au départ | |
Parachutistes métropolitains (bérets bleus) | 2e bataillon du 1er régiment de chasseurs parachutistes (II/1 R.C.P., commandant Bréchignac, 570 h. dont 400 Vietnamiens), largué le 4 avril |
Parachutistes vietnamiens | 5e bataillon de parachutistes vietnamiens (5e B.P.V.N., dit « Bawouan », commandant Botella, 700 h. dont 585 Vietnamiens), largué le 14 mars |
La base dispose bien de quatre obusiers de 155 mm HM1 *d), de vingt-quatre obusiers de 105 mm HM2 *e) et de vingt-huit mortiers de 120 mm *f), ainsi que de dix chars légers M24 *g), mais, pour ce matériel, comme pour les troupes, aucun abri à l’épreuve d’obus de fort calibre, à part le poste central de commandement, n’a été construit (contre un obus de 105 mm de 15 kg lancé à 450 m/s, il aurait fallu au moins un toit de rondins de 15 cm recouvert de un à deux mètres de terre) et les tranchées sont à ciel ouvert, souvent en ligne droite ! Gênés par les mauvaises conditions météorologiques et le couvert de la jungle, sans compter la D.C.A. ennemie (les tirs des tubes antiaériens de 37 mm seront déterminants), les bombardiers français (entre autres vingt-six B26 bimoteurs, à la limite de leur rayon d’action, et quatre PB4Y-2 quadrimoteurs sur les huit disponibles) ne seront jamais en mesure de neutraliser l’artillerie du Viêt-minh ni d’empêcher ce dernier de creuser un immense réseau de sapes en direction des points d’appui. Pourtant, les aviateurs feront tout leur possible, prendront des risques énormes, accompliront des exploits, mais, toujours selon Philippe Gras, dans son article « Aspects du soutien aérien dans la bataille de Diên Biên Phû » (voir lien ci-dessous), « Diên Biên Phû était au-delà des possibilités de […] l'armée de l’Air [qui] ne dispose pas des moyens techniques, radiogoniométriques, pour effectuer des [opérations] sans visibilité, des bombardements de nuit, des missions d’appui guidées précisément depuis le sol ».
*d) (6 tonnes - obus de 43 kg - 4 cps/mn à 15 km, portée max.)
*e) (2 tonnes - obus de 15 kg - 6 cps/mn à 12 km, portée max.)
*f) (360 kg - obus de 13 kg - 8 cps/mn à 6000 m, portée max.)
*g) (18 tonnes - 40 km/h en tout-terrain - canon de 75 mm
et trois mitrailleuses, une lourde de 12,7 mm et deux légères de 7,62 mm)
nature de l'appareil | chasseur-bombardier monomoteur | bombardier bimoteur | bombardier quadrimoteur | avion de transport moyen bimoteur | avion de transport lourd bimoteur |
modèle (pays) | Grumman F8F-1 Bearcat (USA) | Douglas A26 Invader, devenu B26 (USA) | Consolidated PB4Y-2 Privateer (USA) | Douglas C47 Dakota (USA) | Fairchild C119 Flying Boxcar (USA) |
année de mise en service | 1945 | 1942 (A26), 1948 (B26) | 1943 | 1941 | 1950 |
poids à vide/max. | 3200/5900 kg | 10200/15900 kg | 17000/29500 kg | 8200/14000 kg | 18000/33500 kg |
longueur/envergure/hauteur | 8,45 x 10,80 x 4,2 m | 15,25 x 21,35 x 5,65 m | 22,75 x 33,55 x 9,15 m | 19,45 x 29,10 x 5,20 m | 26,35 x 33,30 x 8,10 m |
puissance | 2100 CV | 4000 CV | 5400 CV | 2400 CV | 7000 CV |
vitesse/plafond | 680 km/h à 11800 m | 570 km/h à 6700 m | 380 km/h à 6300 m | 360 km/h à 8000 m | 480 km/h à 7300 m |
rayon d'action | 1800 km | 2300 km | 4500 km | 2600 km | 3700 km |
armement ou charge max. | 4 canons de 20 mm, 2 bombes de 450 kg ou 4 roquettes de 127 mm | 16 mitrailleuses de 12,7 mm, 2700 kg de bombes | 12 mitrailleuses de 12,7 mm, 5800 kg de bombes | 4500 kg ou 28 paras | 13500 kg ou 62 paras |
Dans l’ensemble, alternant phases d’attaques et de renforcement, le Viêt-minh procède à l’étouffement progressif de la base française qui, une fois son terrain d’aviation hors d’usage, ne recevra plus ni renforts ni ravitaillement, sauf par quelques parachutages dont une grande partie tombera chez l'ennemi. Pilonnés par l’artillerie et les mortiers lourds, submergés par les vagues humaines d’assaut malgré les champs de mines et les barbelés, les soldats français, légionnaires et coloniaux résisteront jusqu’au bout et, une fois les munitions épuisées, se battront à la grenade et à l’arme blanche au corps à corps dans la boue des tranchées.
Entre le 20 novembre 1953 et le 12 mars 1954, la garnison française perd déjà plus de mille hommes, dont cent cinquante tués, dans des opérations de reconnaissance souvent inutiles qui l'empêchent de mieux se retrancher, mais c'est du 13 mars au 7 mai 1954 que la bataille fait rage : attaques du Viêt-minh et contre-attaques françaises alternent avec des périodes d’accalmie relative.
Le 13 mars 1954, le général Giap lance sa première offensive : sous le déluge de feu de l'artillerie du Viêt-minh, attaqué par les régiments 141 et 209 de la division 312, le centre de résistance Béatrice (pourtant occupé par le 3e bataillon de la 13e demi-brigade de Légion étrangère, mais réduit à moins de quatre cent cinquante hommes sans appui lourd) tombe le premier, le jour même, autour de minuit. Des coups au but sur les P.C. de bataillon et de secteur, repérables par leurs antennes radio, désorganisent la défense et empêchent de régler les tirs d'artillerie. Survivant à d’héroïques combats au corps à corps, seuls une soixantaine de légionnaires (sur quatre cent cinquante !), ensanglantés, réussissent à se replier. Abasourdi, le colonel de Castries, contrairement au colonel Gilles à Na San, n'ordonne aucune contre-attaque alors que l'ennemi a évacué la position ! Le lendemain, le C.R. Gabrielle fait face aux régiments 88 et 102 de la division 308 ainsi qu'au régiment 165 de la division 312. Il tient d'abord ferme grâce aux tirailleurs algériens (V/7e R.T.A.), appuyés par une section de mortiers lourds de la Légion, mais succombe à son tour le jour suivant malgré une contre-attaque, il est vrai mal préparée par le lieutenant-colonel Langlais, de deux compagnies du 1er bataillon étranger de parachutistes (1er B.E.P.) et du 5e bataillon de parachutistes vietnamiens (5e B.P.V.N.), venant d’être largué, soutenus par six chars. Après cet échec, dans la nuit du 14 au 15 mars, le lieutenant-colonel Piroth, commandant l'artillerie du camp, qui a prétendu museler les canons adverses, se suicide. Le 17 mars, à la suite de la défection d'un grand nombre de supplétifs thaï dont les familles sont menacées par le Viêt-minh et qui se débandent après quelques tirs de harcèlement, le C.R. Anne-Marie doit être en partie abandonné et ses P.A. 3 et 4 rattachés au C.R. Huguette.
Malgré la réorganisation du dispositif, le renforcement des abris et des renforts (un peu plus de quatre mille hommes entre le 13 mars et le 7 mai) parachutés ou, pour la dernière fois, aérotransportés, à compter du 26 mars, la piste d'aviation, prise sous le feu des canons de l'ennemi, n’est plus opérationnelle. Le 27 mars, un dernier C47 Dakota se pose en catastrophe et ne peut repartir. C’est ainsi que la convoyeuse de l’air Geneviève de Galard, qui fait partie de l'équipage, se retrouve la seule femme occidentale dans le camp retranché. Sans désemparer, sous le feu, elle se dévoue comme infirmière auprès des nombreux blessés qu'elle soigne et réconforte. Après la reddition de la garnison, elle suit ceux-ci en captivité et refuse d'être libérée tant que les blessés graves ne seront pas tous rapatriés en zone française. Le 28 mars, deux bataillons de parachutistes coloniaux (le 6e B.P.C., parachuté le 16 mars, et le 8e B.P.C.) tentent de neutraliser les pièces de la D.C.A. viêt-minh, mais, malgré de lourdes pertes, ne parviennent à détruire qu'une dizaine de mitrailleuses de 12,7 mm anti-aériennes.
Dans la nuit du 30 au 31 mars 1954, le général Giap lance sa deuxième offensive avec les divisions 312 et 316 : à la suite d’un pilonnage extrêmement violent, le C.R. Dominique cède rapidement, sauf son P.A. 3 qui, bien défendu par les tirailleurs algériens (III/3e R.T.A.), appuyés par deux mitrailleuses quadruples de 12,7 mm et quatre pièces de 105 mm qui tirent à hausse zéro, reste aux mains des Français. Cependant, dans le C.R. Eliane, après avoir conquis le P.A. 1, les nombreux fantassins du Viêt-minh, négligeant le P.A. 4, tenu par des paras du 6e B.P.C. en prévision d’une contre-attaque, se précipitent en masse sur le P.A. 2. Contre toute attente, ils sont mis en échec par les tirailleurs marocains (I/4e R.T.M.) et finalement repoussés par les légionnaires du 1er B.E.P., qui ne mènent pas moins de cinq contre-attaques sanglantes ! D’autres contre-attaques des parachutistes coloniaux permettent de reconquérir le P.A. 2 de Dominique (8e B.P.C.) et le P.A. 1 d’Eliane (6e B.P.C.), mais les paras doivent décrocher quelques heures plus tard. Dans le C.R. Huguette, le 1er bataillon du 2e régiment étranger d’infanterie résiste à plusieurs assauts tandis que les paras indochinois du 5e B.P.V.N. tiennent en faisant pilonner leurs bastions récemment bétonnés par l’artillerie française ! Dans la nuit du 3 au 4 avril 1954, le 2e bataillon du 1er régiment de chasseurs parachutistes saute sur Diên Biên Phû et se bat immédiatement pour soutenir Huguette. Grâce au secours du commandant Bigeard, qui coordonne une opération menée avec son 6e B.P.C. et le 1er B.E.P., les masses viêt-minh sont finalement refoulées dans un furieux corps à corps. A ce moment, le commandement français se montre plus offensif même si les munitions commencent à manquer et si les blessés s’entassent dans les antennes chirurgicales. Le 10 avril, les Français réussissent à reconquérir le P.A. 1 d’Eliane grâce à une attaque d’éléments de cinq bataillons parachutistes appuyés par huit obusiers de 105, douze mortiers de 120 et les trois chars encore opérationnels (entre autres scènes dignes des annales de l'héroïsme militaire : les légionnaires montent à l'assaut de la colline en chantant !). Toutefois, le 23 avril, le 2e B.E.P., réduit à quatre cents hommes et largué le 10 du mois, ne parvient pas, à défaut de coordination entre l'appui de l'aviation et les mouvements du bataillon, à reprendre le P.A. 1 de Huguette tombé la veille. Pourtant, le général Giap, dont les troupes ont éprouvé des pertes énormes (des milliers de tués, blessés, prisonniers) et dont le moral est au plus bas, suspend les opérations en attendant des renforts, et met l'accent sur le travail de sape.
Alors que la conférence de Genève s’ouvre le 26 avril, le général Giap, qui a reçu d’importants renforts en hommes et en matériel, décide de lancer sa troisième offensive qui débute le 1er mai. Face aux quinze mille fantassins de première ligne du Viêt-minh, les Français ne peuvent opposer que deux à trois mille combattants valides, mais épuisés et presque à bout de munitions. En effet, il ne leur reste plus qu'un seul obusier de 155 avec moins de trois cents coups, dix-neuf obusiers de 105 avec quatorze mille coups, et quinze mortiers de 120 avec seulement cinq mille coups.
Le 2 mai, à l'aube, le P.A. 5 d'Huguette est anéanti ; le P.A. 1 d’Eliane tombe. Le 3 mai, au matin, le dernier P.A. de Dominique (P.A. 3) et le P.A. 4 d'Huguette succombent à leur tour. Si le 4 et le 5 mai sont des journées relativement calmes, le 6 mai, le P.A. 2 d'Eliane saute en partie sous l'explosion d'une forte charge de TNT placée dans une sape, mais les quelques parachutistes survivants se battent jusqu'au bout. Sur Isabelle, le P.A. 5, pris par la division 304, est repris ensuite par les Français. Malgré le parachutage de deux compagnies du 1er B.P.C. du 3 au 6 mai, le 7 mai, les P.A. 3 et 4 d'Eliane sont submergés sous les salves de l’artillerie et les assauts de toutes les forces du Viêt-minh.
Le 7 mai 1954, à 17 h 30, sur Claudine, de Castries, qui a été promu général de brigade, donne l’ordre de cesser le feu ; Isabelle obtempère à minuit. Sur quinze mille hommes, les Français déplorent plus de trois mille tués ; environ dix mille, dont près de la moitié de blessés (4436 exactement, dont 858 très gravement et évacués par la Croix-Rouge, selon Laure Cournil, chercheuse à Paris-1), sont faits prisonniers, deux mille hommes (surtout thaï) ayant déserté. Le Viêt-minh compte trois fois plus de tués et de blessés, mais, après les marches dans la jungle et le séjour dans les camps de « rééducation », seul un tiers des prisonniers français survit (3290 précisément).
Certes, le camp retranché de Diên Biên Phû a joué son rôle d’abcès de fixation : le Laos n’a pas été envahi et les pertes du Viêt-minh ont été très sévères (plus de vingt-quatre mille tués et blessés) ; celles des Français ne représentent qu’une petite partie du corps expéditionnaire dont les postes fortifiés et les groupes mobiles (groupements tactiques interarmes de trois à quatre mille hommes environ : notamment, un escadron blindé, trois bataillons d'infanterie et un groupe d'artillerie) continuent de verrouiller les zones côtières et de protéger les grandes villes, mais des unités d’élite de légionnaires et de parachutistes ont été anéanties, et surtout, au moment de la conférence de Genève, cette défaite symbolise l’échec de la France à contenir le communisme et à maintenir sa présence en Asie (même si elle a décidé d'accorder à ses colonies une grande autonomie dans le cadre de l'Union française).
Certains ont reproché, entre autres, au général en chef Navarre, d’avoir dispersé ses forces au lieu de les concentrer, à l'instar du général Giap, sur Diên Biên Phû, en lançant, en janvier 1954, pour libérer la zone côtière de l'Annam, l'importante opération « Atlante », mobilisant au moins vingt-cinq bataillons d'infanterie, de la cavalerie blindée, de l'artillerie, des éléments de l'aviation et de la marine, mais ces reproches ne sont pas tout à fait fondés. En effet, l'aviation n'aurait pas pu soutenir davantage de troupes dans le camp retranché et il fallait, en priorité et à tout prix, protéger la région vitale du delta du Mékong au sud (Cochinchine), l’axe Hanoï-Haïphong au nord (Tonkin) et, au centre (Annam), éviter que l’Indochine ne soit coupée en deux par le Viêt-minh. Ainsi, au contraire, la bataille de Diên Biên Phû a sans doute permis de relâcher la pression viêt-minh sur le coeur du pays. Reste que le général Navarre a négligé l'impact psychologique d'une éventuelle défaite sur l'opinion publique et même sur les responsables militaires et politiques. Ceux-ci se trouvent dans un tel désarroi qu'en ordonnant, par exemple, d'évacuer le camp retranché d'An Khe afin d'éviter un nouveau Diên Biên Phû bien improbable, ils provoquent un nouveau Cao Bang bien réel, puisque le groupe mobile 100 est annihilé dans une gigantesque embuscade à la fin juin 1954...
Pour le général Navarre *2, les véritables raisons de la défaite d’Indochine sont politiques. […] Du début à la fin, nos dirigeants n’ont jamais su ce qu’ils voulaient. […] Ils n’ont su ni engager la nation dans la guerre ni faire la paix. […] Ils ont toléré la trahison permanente du parti communiste. […] Ils ont laissé une presse assurée de l'impunité s'attaquer au moral des combattants et divulguer les secrets militaires. [Il aurait pu ajouter qu'ils ne lui ont jamais accordé les moyens qu'il jugeait indispensables.] [Au-delà des hommes,] les tergiversations, les fautes, les lâchetés accumulées pendant huit ans […] sont les fruits du régime. [Il s'agit de la IVe République, dans laquelle pas moins de dix-neuf gouvernements ont eu, de 1945 à 1954, la responsabilité de la guerre d’Indochine !] Cependant, les gouvernements français ont dû faire face à un adversaire d’un nouveau genre qui a d’emblée imposé un régime dictatorial, et qui a été soutenu, à partir de 1949, par la Chine communiste. De même, l’armée française a dû affronter un ennemi qui a rapidement généralisé la guérilla et la propagande dans ce qu’il a présenté aux populations comme uniquement une guerre de libération alors qu'il s'agissait surtout d'instaurer le communisme. De plus, les chefs militaires ont toujours plus ou moins sous-estimé leur antagoniste et ont commis de graves erreurs, comme celles de ne pas accorder assez d’importance aux armées des Etats associés (Viêt-nam, Laos, Cambodge), de « trop miser sur la puissance, et pas assez sur la souplesse, la légèreté, la ruse et le renseignement » *3. Au fond, la France, en pleine reconstruction après la Deuxième Guerre mondiale, devant tenir ses engagements en Europe et en Afrique du Nord, n’avait pas les moyens de ses ambitions. De toute façon, son gouvernement, selon Edgar Faure, président du Conseil des ministres en 1952 et en 1955, « redoutait de dégarnir, au profit de l'Indochine, le dispositif de défense européenne […][et] se condamnait ainsi à perdre une guerre qui sévissait réellement afin de ne pas compromettre [ses] chances dans une guerre imaginaire dont le bon sens indiquait qu'elle n'éclaterait jamais » *4.Au soir du massacre, le bilan est clair. Des politiciens de droite ont placé des malheureux dans une situation indéfendable et, pendant le même temps, les hommes de gauche leur tiraient dans le dos. (Albert Camus, Carnets)
*1 Pierre PELISSIER, Diên Biên Phû, Paris, Perrin, 2014 (annexe 5, « Le plan Navarre »)
*2 général Henri NAVARRE, Agonie de l'Indochine, Paris, Plon, 1956
*3 Ivan CADEAU, La guerre d'Indochine, Paris, Tallandier, 2015
*4 Pierre PELISSIER, op. cit.
nature de l'arme | pistolet-mitrailleur | carabine semi-automatique | fusil semi-automatique à lunette | fusil à répétition | fusil lance-grenades | fusil-mitrailleur |
modèle (pays) | MAT 49 (France) | M1 (USA) | MAS 49 (France) | MAS 36 (France) | MAS 36 G (France) | MAC 24/29 (France) |
année de mise en service | 1949 | 1941 | 1949 | 1936 (type post-1945) | 1948 | 1924 modifié 1929 |
poids non chargé | 3,5 kg | 2,5 kg | 4,8 kg (avec lunette) | 3,7 kg | 3,8 kg | 9 kg |
longueur totale | 720 mm (460 mm crosse repliée) | 900 mm | 1100 mm (avec sabot de crosse) | 1020 mm | 1020 mm | 1080 mm |
longueur du canon | 230 mm | 450 mm | 580 mm | 580 mm | 580 mm | 500 mm |
calibre | 9 x 19 mm Parabellum, balle 8 g, 500 joules | 7,62 x 33 mm, balle 7 g, 1300 joules | 7,5 x 54 mm, balle 9 g, 3200 joules | 7,5 x 54 mm | 7,5 x 54 mm | 7,5 x 54 mm |
vitesse initiale | env. 360 m/s | env. 600 m/s | env. 840 m/s | env. 840 m/s | env. 840 m/s | env. 820 m/s |
portée pratique | env. 100 m | env. 200 m | env. 800 m (avec lunette APX modèle 1953) | env. 500 m | grenade 50 mm de 75 à 250 m | env. 600 m |
cadence de tir | max. 600 cps/mn | 30 à 40 cps/mn | 25 à 30 cps/mn | 10 à 15 cps/mn | 5 à 6 cps/mn (grenade) | max. 450 cps/mn |
chargeur | 32 coups | 15 coups | 10 coups | 5 coups | 5 coups | 25 coups |
remarques | fiable, peu encombrant, efficace en combat rapproché | légère, maniable, mais manque de puissance et de portée | un peu lourd et encombrant, mais puissant et précis | simple, robuste, léger, court, mais de conception ancienne | fiable, maniable, tir un peu lent, mais efficace |
N.B. A l’époque, théoriquement, une section de combat française, commandée par un sous-lieutenant secondé par un adjudant, compte quarante-cinq hommes organisés en quatre groupes : un groupe de commandement de neuf hommes et trois groupes de combat de douze hommes. Chaque groupe de combat, commandé par un sergent secondé par un caporal-chef, est articulé en deux équipes de cinq hommes, commandées par un caporal : une équipe-feu composée d’un tireur et d’un pourvoyeur F.-M. (MAC 24/29), d'un fusilier-grenadier (MAS 36 G et grenades à fusil) et d'un tireur d’élite (MAS 49 à lunette) ; une équipe-choc composée de quatre fusiliers-voltigeurs (MAS 36 et grenades à main). En principe, dans l’infanterie non parachutiste, les P.-M. MAT 49 ne sont attribués qu’aux sergents et les carabines US M1 qu’au sous-lieutenant et à l’adjudant (voir le film culte La 317e section de Pierre Schoendoerffer, où le F.-M. MAC 24/29 est toutefois remplacé par le US Automatic Rifle BAR M1918 également en service en Indochine).
Soutenue par les Soviétiques et les Chinois communistes, l'armée régulière du Viêt-minh s'avère aussi bien dotée d'armes d'infanterie que le corps expéditionnaire français (voir ci-dessous les indications fournies à Bernard Fall par le capitaine Jacques Despuech, et précisées (*) par Ivan Cadeau, op. cit., p. 285).
unité de 800 h. environ | bataillon d'infanterie français | bataillon régulier vietnamien de la division 304 |
Fusils à répétition | 625 | environ 500 |
Pistolets-mitrailleurs | 135 | environ 200 |
Fusils-mitrailleurs | 40 | 27 (*) |
Mitrailleuses | 8 | 6 (*) |
Mortiers légers de 60 mm | 8 | 8 (*) |
Mortiers moyens de 80 mm | 4 | 2 ou 3 (*) |
Diên Biên Phû : faute stratégique ou bonne idée qui a mal tourné ? par Jean-François Daguzan (2014).
Aspects du soutien aérien dans la bataille de Diên Biên Phû par Philippe Gras (2003).
La guerre d'Indochine - guerre régulière ou guerre irrégulière ? par Michel Grintchenko (2009).
En 1968, les reporters au Viêt-nam et certains responsables politiques américains ne peuvent s’empêcher de comparer la bataille de Khe Sanh (21 janvier - 8 avril 1968) à celle de Diên Biên Phû. En effet, il s’agit, objets d’un enjeu politique, de deux bases aéroterrestres occidentales, sises au Viêt-nam à la frontière du Laos, en butte à une attaque des forces armées vietnamiennes communistes à cinq contre un, et vite devenues des camps retranchés. Les deux sont situées dans une plaine surplombée par des collines et, la route reliant Khe Sanh à la voie principale ayant été coupée, dépendent, pour leur ravitaillement, d’une piste d’aviation, puis, celle-ci une fois neutralisée, de parachutages. Cependant, si le général en chef américain Westmoreland estime que Khe Sanh constitue l’objectif principal du général Giap qui voudrait renouveler l’exploit de Diên Biên Phû et conquérir les zones côtières, facilitant ainsi l’approvisionnement du Viêt-cong, le chef communiste considère l’attaque de la base US probablement comme une manœuvre de diversion, en tout cas secondaire, dans le cadre de la grande offensive du Têt sur le sud du pays. De plus, contrairement au camp retranché de Diên Biên Phû, celui de Khe Sanh est toujours plus ou moins ravitaillé par air malgré de grandes difficultés causées par la puissante D.C.A. ennemie. En outre, il est appuyé par des batteries éloignées d'obusiers de 175 mm et surtout par une formidable armada aérienne de centaines d'appareils (avions et hélicoptères) dont des bombardiers quadriréacteurs B52 Stratofortress qui déversent des dizaines de milliers de tonnes de bombes. Néanmoins, l’offensive du Têt mobilisant toute l’armée américaine, celle-ci ne peut envoyer de renforts aux six mille Marines encerclés qui, comme à Diên Biên Phû, vivent sous le feu de l’artillerie ennemie dans la boue, avec les rats, et doivent régulièrement repousser au corps à corps les assauts d’un adversaire infiltré par un réseau de sapes. Finalement, la cavalerie blindée américaine et d’autres Marines réussissent à rouvrir la route d’accès et à rompre l’encerclement des troupes communistes qui se retirent avec d’énormes pertes.
Air Power and the Fight for Khe Sanh by Bernard C. Nalty (1986).
Source des informations et des illustrations : L'armement réglementaire français à travers les âges, site de Frédéric Delvolte (2003).
modèle | Charleville | Chassepot | Gras | Lebel | Berthier | MAS 36 (type pré-1945) |
année de mise en service | 1777 | 1866 | 1874 | 1886 | 1915 | 1936 |
poids non chargé | 4,5 kg | 4 kg | 4,2 kg | 4,2 kg | 3,8 kg | 3,7 kg |
longueur totale | 152 cm | 130 cm | 130 cm | 130 cm | 130 cm | 102 cm |
longueur du canon | 114 cm | 80 cm | 80 cm | 80 cm | 80 cm | 58 cm |
calibre | 17,5 mm | 11 mm | 11 mm | 8 mm | 8 mm | 7,5 mm |
vitesse initiale | env. 420 m/s | env. 375 m/s | env. 450 m/s | env. 700 m/s | env. 700 m/s | env. 840 m/s |
cadence de tir | 2 à 3 cps/mn | 7 à 14 cps/mn | 8 à 10 cps/mn | 8 à 10 cps/mn | 15 à 20 cps/mn | 10 à 15 cps/mn |
alimentation | une balle, bouche | une cartouche, culasse | une cartouche, culasse | magasin huit cartouches + deux | magasin trois, puis cinq cartouches | chargeur cinq cartouches |
particularités | poudre noire : fumée et encrassement importants | culasse mobile, mais percussion fragile et poudre noire | cartouche métallique, mais toujours poudre noire | poudre blanche sans fumée | plus léger et tir rapide | plus court et précis |