L'assaut des parachutistes allemands à Vassieux-en-Vercors fin juillet 1944

L'assaut des parachutistes allemands à Vassieux-en-Vercors fin juillet 1944

Page modifiée et augmentée le 30 novembre 2024.




Planeur allemand DFS 230 embarquant dix soldats, dont un formé comme pilote.

Source : Bundesarchiv.



Le rapport journalier de l'OB West du 23 juillet 1944, transmis par le Militärbefehlshaber in Frankreich (NARA T78, Roll 313), précise qu’ont été aéroportés à Vassieux-en-Vercors, par une quarantaine de planeurs DFS 230, remorqués par des Dornier 17, puis des Heinkel 111 du I./Luftlandegeschwader 1 (1er groupe de la 1ère escadre aéroterrestre), non pas des parachutistes Waffen-SS, mais quelque deux cent cinquante Fallschirmjäger (chasseurs parachutistes) allemands, affectés au II./Kampfgeschwader 200 (2e groupe de la 200e escadre de combat), unité spéciale de la Luftwaffe, renforcés, le 23 juillet, par environ cent cinquante auxiliaires ukrainiens issus du Freiwilligen-Stamm-Regiment 3 (3e régiment de volontaires ethniques), formant le Fallschirm-Kampfgruppe (groupe de combat aéroporté) « Schäfer », du nom de son commandant sur le terrain (photo ci-dessous). La seule opération connue des parachutistes SS est celle de Drvar en Bosnie contre le refuge de Tito.

  • Le 21 juillet : deux compagnies de parachutistes allemands, moins une section en réserve ;
  • Le 23 juillet : une compagnie d'auxiliaires ukrainiens, plus la section de parachutistes susmentionnée.




    Oberleutnant Friedrich Schäfer, décoré de la Ritterkreuz des Eisernen Kreuzes, croix de chevalier de la croix de fer, après l'opération sur Vassieux-en-Vercors.

    Source : Metapedia.



    Le 21 juillet 1944, un planeur ayant été contraint de se poser avant l'objectif, deux ayant été abattus (l'un avec l'équipe médicale) et sept ayant atterri sur des positions à environ un kilomètre au nord de Vassieux afin de bloquer les accès routiers, la première vague d'assaut sur le village lui-même, d'une dizaine d'appareils, ne devait comprendre qu'une centaine de soldats (un planeur DFS 230 embarquant dix soldats, dont un formé comme pilote). Ensuite, le 23 juillet, un DFS 230 s'étant écrasé et deux posés trop loin, la seconde vague d'assaut ne comptait guère plus de cent cinquante soldats.




    Chasseurs parachutistes allemands en tenue de sortie à Lyon après l'opération sur Vassieux-en-Vercors.

    Source : Photo Karl Heinz, publiée par Philippe Biolley (voir bibliographie ci-dessous).



    Selon le docteur Peter Lieb (Department of War Studies, The Royal Military Academy Sandhurst, Grande-Bretagne), dont l'ouvrage ci-dessous sur la bataille du Vercors n'est pas traduit en français, si les parachutistes allemands ont pu s'emparer rapidement du village et de l'aérodrome de Vassieux, puis en rester maîtres malgré la défense acharnée (fierce defence) et les violentes contre-attaques de maquisards français nettement supérieurs en nombre, c'est qu'ils avaient minutieusement préparé leur opération, qu'ils étaient très entraînés à un débarquement offensif par planeurs, qu'ils étaient appuyés par l'aviation d'attaque au sol, qu'ils avaient, au départ, bénéficié de l'effet de surprise* sur des adversaires s'attendant à l'arrivée d'avions alliés, et qui, de surcroît, manquaient d'armes lourdes, en particulier des mortiers, ainsi que, pour la plupart, d'expérience militaire.

    * Toujours d’après Peter Lieb, les maquisards, voyant venir des avions du sud, ont cru qu’il s’agissait d’un parachutage allié ; les planeurs allemands sont descendus vivement en silence et ont atterri avec une grande précision au nord de Vassieux : deux à La Mûre, deux au Château et trois à Jossaud. Au même moment, l’aviation a mitraillé les travailleurs sur l'aérodrome et bombardé le village de Vassieux ainsi que les positions du maquis en vue du largage des forces suivantes.

    Les groupes d’assaut ont alors surgi des appareils et les pilotes leur ont fourni un appui-feu avec le MG 15 de bord. Des fumigènes ont immédiatement été projetés pour créer un écran de fumée protecteur. Les parachutistes ont lancé des grenades à travers les fenêtres des bâtiments qu’ils ont investis, tirant sans distinction sur tout être vivant, que ce soit des maquisards, des habitants, hommes, femmes, enfants, animaux ! L’ordre était certainement de ne pas s’encombrer de prisonniers, mais des atrocités ont été commises : des maquisards, encore à moitié endormis et désarmés, ont été massacrés, deux d'entre eux (ont-ils tenté de résister ?) ont été torturés (yeux arrachés et langue coupée) et ont subi une pendaison lente ; des habitants ont été tués à coups de crosse, parfois suppliciés, brûlés vifs dans leurs maisons incendiées ; une fillette, écrasée par une poutre, a été sciemment laissée agoniser des jours durant...

    Le massacre de Vassieux-en-Vercors, Musée de la Résistance en ligne

    Les parachutistes allemands ont repoussé les contre-attaques des maquisards notamment grâce aux armes automatiques ci-dessous :

    fusil d'assaut Sturmgewehr 44, StG 44 fusil d'appui leichtes Maschinengewehr 42, leMG 42
    année de mise en service 1944 1942
    poids non chargé env. 4,6 kg env. 11,5 kg
    longueur totale 940 mm 1220 mm
    longueur du canon 420 mm 533 mm
    calibre 7,92 x 33 mm 7,92 x 57 mm
    vitesse initiale env. 685 m/s env. 760 m/s
    portée pratique env. 300 m env. 600 m
    cadence de tir max. 600 cps/mn max. 1200 cps/mn
    alimentation chargeur 30 coups bande 50 coups
    munitions trouvées à Vassieux un étui en 2015 plusieurs cartouches non percutées




    Sur ce dessin, les Fallschirmjäger, surgissant du planeur, semblent dotés du fusil de parachutiste FG 42-E 1er modèle (voir ci-dessous), pourtant produit en très petit nombre et vite retiré du service (dans cette première version), et peu utilisé surtout en raison de la difficulté à maîtriser le tir en rafales sans son bipied à cause de la grande puissance de la cartouche 7,92 x 57 mm. Plus loin, un autre para allemand appuie son fusil-mitrailleur* leMG 42 sur le dos d'un camarade tandis que le pilote sert le MG 15 de bord. A gauche, deux soldats (ukrainiens ou français ?), équipés du pistolet-mitrailleur MP 40, menacent un civil à terre, mais ont-ils été les seuls à massacrer les habitants de Vassieux ?

    Source : Peter Lieb (voir bibliographie ci-dessous).

    * Contrairement à la plupart des auteurs, j’appelle « fusil-mitrailleur » le leichtes Maschinengewehr (fusil-mitrailleur léger) et « mitrailleuse » seulement le schweres Maschinengewehr (fusil-mitrailleur lourd, par ex. le sMG 42), sur affût trépied, parce que l’emploi du premier correspond à celui du F.-M. (français, anglais, américain…) au sein de l’équipe-feu du groupe élémentaire de combat alors que l’emploi du second correspond à celui de la mitrailleuse au niveau de la compagnie ou du bataillon.



    fusil d'assaut/appui Fallschirmjägergewehr 42-E, FG 42-E Modèle 1 fusil d'assaut/appui Fallschirmjägergewehr 42-G, FG 42-G Modèle 2
    année de mise en service 1942 1943
    quantité produite env. 2000 env. 5000
    poids non chargé env. 4,3 kg env. 4,9 kg
    longueur totale 945 mm 975 mm
    longueur du canon 500 mm 500 mm
    calibre 7,92 x 57 mm 7,92 x 57 mm
    vitesse initiale env. 740 m/s env. 740 m/s
    portée pratique env. 500 m env. 500 m
    cadence de tir max. 900 cps/mn max. 750 cps/mn
    alimentation chargeur latéral 20 coups chargeur latéral 20 coups


    On s'est longtemps interrogé sur la composition des troupes du Reich engagées à Vassieux. Plusieurs hypothèses ont été émises : on a d'abord pensé aux SS-Fallschirmjäger, ensuite à des éléments de la division des forces spéciales « Brandenburg », provenant plus précisément d'une Ost-Legion (légion de l'Est), voire de la compagnie française (8e compagnie du 2e bataillon du 3e régiment « Brandenburg »)* ; on a aussi pensé aux soldats du Sicherungs-Regiment 200 (200e régiment de sécurité), stationné dans la région, mais pas aux Ukrainiens du Freiwilligen-Stamm-Regiment 3, basé à Mâcon, dont des plaques d'identité (photo ci-dessous) ont été découvertes en 2009 et 2012, prouvant son intervention sur le plateau. De son côté, Peter Lieb ne donne pas de détails sur ces unités auxiliaires ni sur les paras allemands du KG 200, lequel, étant une formation secrète, garde sa part de mystère, même si le Fallschirm-Kampfgruppe (groupe de combat aéroporté) « Schäfer » en a été détaché pour l'opération dans le Vercors. D'aucuns ont envisagé qu'il pouvait s'agir de Bewährungstruppe (troupes disciplinaires), mais rien ne corrobore cette assertion. En revanche, on en sait un peu plus sur le 3e régiment de volontaires ethniques ukrainiens. Créé le 26 février 1944 à Mâcon avec les volontaires du Turkestan, ce n'est que le 12 juin 1944 qu'il a rassemblé tous les Ukrainiens de la Freiwilligen-Stamm-Division, et qu'il est devenu le Freiwilligen- (Ukrainische) Stamm-Regiment 3, qui comprenait, en juillet 1944, outre une compagnie d’état-major, deux bataillons : un bataillon de remplacement (Ersatz-Bataillon) à quatre compagnies et un bataillon d’entraînement (Ausbildungs-Bataillon) à six compagnies**, auxquels viendra s’ajouter, début août 1944, un bataillon de convalescence (Genesenden-Bataillon). Cela dit, pourquoi les Allemands n’ont-ils pas employé à Vassieux des auxiliaires russes du Freiwilligen-Stamm-Regiment 4, basé à Bourg-en-Bresse, donc plus près du Vercors que le régiment ukrainien ? C’est sans doute parce que ceux-ci venaient de participer, du 11 au 21 juillet 1944, à l’opération Treffenfeld contre les maquis de l'Ain.

    * Dans son livre bien documenté ci-dessous, Olivier Pigoreau démontre qu'aucun Français de cette compagnie spéciale n'a participé à l'opération dans le Vercors. Fin juillet 1944, la 1ère section Schwinn opérait dans le Vaucluse et les Basses-Alpes ; la 2e section Striefler dans la région de Grasse ; la 3e section Höhnke près d'Alès ; la 4e section Baudach, composée, d'ailleurs, d'Espagnols, sur la frontière franco-espagnole ; le groupe civil autonome Feldmann à Nice. Les cinq ou six Français de la 8e compagnie « Brandenburg », présents à Lyon en été 1944, n'ont pas accompagné le KDS Werner Knab à Vassieux.

    ** En principe, ces bataillons sont censés fournir des remplaçants à une unité de première ligne afin de combler ses pertes : tandis que le bataillon de remplacement proprement dit assure le recrutement et l'instruction de base indispensable, l'autre bataillon est chargé de l'instruction complémentaire éventuelle et, comme son nom l'indique, de l'entraînement !




    Cette plaque d’identité n° 980 porte la mention Freiw.Ukr.Stam.Rgt.3 pour Freiwilligen- (Ukrainische) Stamm-Regiment 3 (3e régiment de volontaires ethniques ukrainiens).

    Source : Photo publiée par Philippe Biolley.



    Sources principales :

  • BIOLLEY, Philippe, « Vercors 1944 : L'attaque aéroportée à Vassieux ».

  • CHAZETTE, Alain, Fallschirmjäger. Les parachutistes allemands en France, 1943-1944, Paris, Editions Histoire et fortifications, 2001.

  • LIEB, Peter, Vercors 1944. Resistance in the French Alps, Oxford, Osprey, 2012.

  • PIGOREAU, Olivier, Sanglante randonnée. La 8e compagnie « Brandebourg » contre la Résistance, Paris, Editions Konfident, 2021.

  • SCHLAUG, Georg, Die deutschen Lastensegler-Verbände 1937-1945, Motorbuch Verlag, 1985.




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