La Wehrmacht aux Glières, témoignages et photos de soldats

La Wehrmacht aux Glières, témoignages et photos de soldats

Page modifiée le 12 mai 2024.




Chasseurs de montagne allemands du Reserve-Gebirgsjäger-Bataillon 99 récupérant les armes abandonnées par les maquisards et incendiant les chalets sur le plateau fin mars 1944

Le Res.Geb.Jäg.Btl. 99 est l'un des quatre bataillons du 1er régiment de chasseurs de montagne de réserve (Reserve-Gebirgsjäger-Regiment 1) de la 157e division de réserve (157. Reserve-Division) de la Wehrmacht. Sous le commandement du Hauptmann Hans Schneider, il est cantonné à Entremont et doit attaquer en direction du col des Auges.



(Photographies obligeamment fournies par M. Erich Kalmbach, ancien soldat du Res.Geb.Jäg.Btl. 99.)


Extrait du témoignage de M. Erich Kalmbach, ancien soldat du Res.Geb.Jäg.Btl. 99, 5. Kompanie (traduction par M. Paul Pfeffer - télécopie de l’original consultable)


Arrivée [par le train] à Bonneville le 25 mars 1944 vers midi. Débarquement immédiat des troupes, des animaux [mulets et chevaux] et du matériel. Départ [à pied] en direction d’Entremont. Arrivée tard dans la soirée. Nuitée dans le bâtiment de l’école.

[Le 26 mars], briefing sur place. Tard le soir, composition d’un fort groupe de combat. Ordre donné : reconnaissance et, éventuellement, prise des Auges […] attaquées l’après-midi par des avions bombardiers.

([L'après-midi du 27 mars], parcours particulièrement difficile, très raide et dans la neige profonde […]. L’alpage […] est occupé sans combat […]. Pas de réaction des Français : nous n’en avons pas vu un seul.) Nous avons continué l’attaque du plateau des Glières. […] Nous n’avons eu aucun contact avec l’ennemi. Eparpillés sur toute l’étendue du terrain, il y avait beaucoup de parachutes multicolores auxquels les conteneurs de matériel étaient encore attachés. […] Nous avons ramassé toutes les armes et munitions [que nous avons] chargées sur les mulets et chevaux, et nous sommes descendus dans la vallée le lendemain. (Ni tués ni blessés.)

De là, deux jours plus tard, nous sommes partis pour le Jura et d’autres interventions. […]


Extrait du témoignage d’un ancien sous-officier du Res.Geb.Jäg.Btl. 99 (obligeamment fourni par le docteur Peter Lieb, Department of War Studies, The Royal Military Academy Sandhurst, Grande-Bretagne - traduction par Alain Cerri)


26 mars 1944 : nous voyageons toute la nuit [en train] via Aix-les-Bains et Annecy. Nous débarquons à La Roche-sur-Foron vers midi et nous partons [à pied] à 14 h 30. Après environ vingt kilomètres de marche, nous arrivons à Entremont où nous passons la nuit.

27 mars 1944 : en principe, jour de repos, mais, vers midi, nous recevons l’ordre de faire mouvement. On pense que de nombreux terroristes sont retranchés sur le plateau des Glières […]. La veille, des obusiers de 15 cm et des chasseurs-bombardiers ont pilonné des positions reconnues sur les hauteurs. Nous montons à 13 h 30. Au sommet [col des Auges], nous trouvons des positions abandonnées, de misérables campements, des armes et des munitions jetées, des parachutes dispersés. Le plateau s'étend sur des kilomètres et compte un grand nombre de chalets d’alpage. Notre section passe la nuit dans l’un d’eux.

28 mars 1944 : le matin, nous partons en patrouille et nous trouvons des conteneurs de matériel et des dépôts de nourriture. Dans un joli chalet, nous préparons notre repas à partir de la nourriture récupérée. Ensuite, je reçois l'ordre de répertorier tout le bétail. Dans l'après-midi, une grande partie du bataillon est occupée à emporter un nombre incroyable d'armes découvertes dans les camps désertés. La nourriture est répartie entre les compagnies. Tout cela a été livré aux terroristes par des largages aériens d'avions anglais. Beaucoup de parachutes et de conteneurs sont toujours éparpillés sur le sol.

29 mars 1944 : aujourd'hui, j'ai la « plaisante » tâche de conduire, avec mes hommes, le bétail de la montagne dans la vallée. Afin d’empêcher les terroristes de se réinstaller, tous les chalets d’alpage doivent être incendiés. Les habitants, qui ont tous collaboré avec les partisans, sont évacués. Cela prend toute la journée, car la neige profonde rend les déplacements difficiles. Les animaux s’enfoncent jusqu’à la taille lorsqu'ils ne sont plus dans la trace. Nous devons laisser les plus fatigués, car les autres nous donnent suffisamment de peine.

30 mars 1944 : l'opération est terminée. Toute la zone est nettoyée et tous les chalets sont incendiés. Vers 14 h, nous parvenons enfin au village d'Entremont et nous nous préparons au départ.


Chalets incendiés sur le plateau fin mars 1944 par les chasseurs de montagne du Reserve-Gebirgsjäger-Bataillon II./98

Le Res.Geb.Jäg.Btl. II./98 est l'un des quatre bataillons du 1er régiment de chasseurs de montagne de réserve (Reserve-Gebirgsjäger-Regiment 1) de la 157e division de réserve (157. Reserve-Division) de la Wehrmacht. Sous le commandement du Hauptmann Rudolf Geyer, il est cantonné à Petit-Bornand et doit attaquer en direction du col du Lavouillon.



(Photographies prises par un ancien soldat du Res.Geb.Jäg.Btl. II./98.)


Extrait du journal de marche de la 8. Kompanie du Res.Geb.Jäg.Btl. II./98 (obligeamment fourni par Claude Antoine et résumé par Alain Cerri)


Dans la nuit du 26 au 27 mars 1944, toute la compagnie (8. Kompanie), bien camouflée, s’installe dans la zone de départ au Petit-Bornand. Les armes lourdes du bataillon (mitrailleuses de la 9. Kompanie, mortiers et canons d’infanterie de montagne de la 10. Kompanie) sont mises en place.

Le 27 mars, à onze heures, nous recevons l’ordre d’attaque pour midi. En effet, on s’est rendu compte que l’ennemi tente de s’exfiltrer ; par conséquent, il faut attaquer le plus vite possible.

Les éclaireurs revêtent leur tenue blanche de camouflage et mettent raquettes aux pieds (le fusil-mitrailleur MG 42 étant transporté sur un traîneau – voir photo ci-dessous). A midi, nous commençons à monter (en direction de l’alpage du Lavouillon sur un itinéraire reconnu le 26 mars au matin) sous le couvert de la forêt. Par radio et par le fil du téléphone de campagne, le commandant de compagnie demande aux mortiers et aux canons d’ouvrir le feu sur l’objectif : un col élevé et étroit. La pente enneigée est très escarpée et les chasseurs doivent fournir de gros efforts pour ne pas glisser et mettre leurs camarades en danger ou compromettre l’opération.

Pas un coup de feu ne part du col. Pourtant, nous nous attendons, à chaque instant, à essuyer un tir nourri de la crête ou à tomber dans une embuscade (car, la veille, une section en reconnaissance offensive a été repoussée par la section Liberté chérie). C’est pourquoi le commandant de compagnie requiert le feu des mitrailleuses sur chaque élévation qui nous surplombe dans notre marche.

Finalement, le groupe d’éclaireurs atteint le sommet et pénètre, sans combat, dans la position ennemie qu’il trouve abandonnée. Parvenu à son tour au col, le commandant de compagnie inspecte la vallée à la jumelle. Il ordonne ensuite à la 1ère section (Hilche) de se porter en exploration sur la gauche vers le hameau de Tinnaz où un chalet est en flammes, et à la 2e section (Schneider) de se placer en couverture sur la droite près d’un chalet isolé.

A quatre heures de l’après-midi, le secteur est occupé sans aucune perte. La 3e section, qui suit, incendie les chalets du Lavouillon et apporte les armes et le matériel récupérés au P.C. de la compagnie à Tinnaz. Les chasseurs, déçus de n’avoir rencontré aucun ennemi, observent les montagnes alentour où l’on suppose que celui-ci doit se retrancher.

C’est alors qu’arrive le chef de bataillon avec la 7. Kompanie suivie par une section de mitrailleuses et la section de mortiers. Ceux-ci sont mis en batterie en vue d’appuyer deux groupes de chasseurs qui gagnent sans encombre le col de Spée.

Le 28 mars, des patrouilles partent en direction de Champ-Laitier, mais elles ne découvrent que des traces des partisans qui, malgré leur grand nombre, leur armement abondant et leurs positions dominantes, donc leurs possibilités de défense très favorables, se sont volatilisés. Ce même jour, nous prenons contact avec des éléments de la Milice française (venue de la vallée de Thorens) et du Btl. I./98 (venu de la vallée de Thônes).

Le 29 mars, le chef de bataillon envoie trois patrouilles sur les sommets : elles ramènent six prisonniers !

Le 30 mars, après avoir nettoyé le secteur et détruit les positions désertées, le bataillon redescend à Thorens où des camions le conduisent au Petit-Bornand, car les hommes sont chargés de butin et fatigués.

Le 1er avril, le commandant de la 8. Kompanie fait part aux chasseurs des félicitations du commandant du régiment qui estime que notre unité a accompli la mission la plus difficile.


Extrait du témoignage de M. Eugen Gerbert, ancien Gefreiter au Res.Geb.Jäg.Btl. II./98, 7. Kompanie (obligeamment fourni par son fils Frank - traduction par Maja Jacobi, professeure d'allemand à l'Ecole internationale de Genève)


Nous étions […] cantonnés au Petit-Bornand. Au-dessus de nos têtes, jusqu’à presque 2000 m, il y avait des parois hautes et raides. En plus de nous, on avait fait appel à des soldats avec des canons antiaériens [deux compagnies du Heeres-Flak-Abteilung 958 (mot.)], principalement des canons quadruples [2 cm Flakvierling 38], en batterie dans la vallée étroitement encaissée du Borne.

Avant le début de l’attaque
[générale du 27 mars], j’ai dû guider une patrouille de reconnaissance. Je devais entrer en contact avec l’ennemi et sonder un accès par un itinéraire de chasseurs, lequel, partant entre le Petit-Bornand et la localité encore plus petite d’Entremont, menait sur le plateau. [Il s'agit de la reconnaissance du 26 mars en direction du Lavouillon depuis Lignières par un sentier abrupt sur la fin.] Entre le pied de la paroi et la forêt clairsemée, il y avait un éboulis très raide d’environ 300 m de large sans arbre ni abri, sur lequel j’étais à découvert avec mes hommes. Nous avions convenu que nous retournerions tous ensemble dans la forêt après être montés environ 100 m au-dessus de ce pierrier afin de provoquer le feu de partisans cachés. L’astuce a été un succès et quelques partisans, dissimulés dans des paniers quasiment invisibles, camouflés et suspendus à de longues cordes accrochées à la paroi, se sont trahis. [Peut-être les maquisards ont-ils utilisé des paniers suspendus à des cordes (de parachute ?), non pour se cacher (!), mais pour monter des provisions dans la falaise de Darenday ?] A l’aide d’un pistolet lance-fusées, j’ai lancé plusieurs tirs d’alerte pour les canons antiaériens quadruples qui se sont mis à aboyer et à tirer par-dessus nos têtes dans la paroi.

Le lendemain
[27 mars], l’attaque a commencé. En grimpant, une de nos unités [8. Kompanie] a découvert un accès qui rendait possible le passage par un itinéraire de chasseurs. [Il s'agit de l'accès au Lavouillon depuis Morat par le sentier moins escarpé de la Lova.] Au début du chemin en zigzag, se trouvait un sous-officier artilleur qui a distribué à chacun d’entre nous un obus (je crois du calibre de 7,5 cm) [pour un canon léger 7.5 cm leichtes Gebirgs-Infanteriegeschütz 1918 ou est-ce plus vraisemblablement un obus de 8 cm pour un mortier moyen 8 cm Granatwerfer 1934 ? En effet, la 7. Kompanie et une section de mortiers suivent la 8. Kompanie] à placer dans le sac à dos, comme si nous n’avions pas déjà assez à porter ! Parvenus aux abords du plateau, nous avons creusé quelques trous dans la neige où nous avons passé une nuit glaciale.

Le jour suivant
[28 mars], l’attaque s’est poursuivie. Mais l’ennemi s’était volatilisé. Le soir, nous avons campé dans une cabane. Dans une cache, nous avons trouvé de la viande crue encore comestible. Au crépuscule, nous avons allumé un feu de camp et nous avons accroché à notre carabine [Mauser Kar 98 k, le fusil de base de la Wehrmacht] des bouts de viande que nous avons suspendus au-dessus du feu. Comme d’habitude, la bouffe, c’était le bide complet !

Le lendemain
[29 mars], comme nous souffrions de la faim, nous avons cherché de la nourriture et nous avons découvert des meules de fromage grandes comme des rochers, grises et rondes, dans les chalets d’alpage abandonnés. C’était du parmesan sec que nous avons coupé en petits morceaux avec notre baïonnette et avalé. Le soir, nous avions des aphtes dans la bouche et une soif très vive. Nous avons étanché celle-ci en mangeant de la neige. C’était déjà la troisième nuit.

Vers minuit, des avions volant très bas ont largué des conteneurs de ravitaillement et d’armes. Ces derniers étaient suspendus à de grands parachutes blancs en soie.
[Ce parachutage est peu probable.] A l’intérieur, il y avait des munitions de 9 mm et de petits pistolets-mitrailleurs démontés, mais il y avait aussi des rations américaines, de petites boîtes de conserve de tomate à la viande, et des cigarettes. Enfin, nous avons pu apaiser notre faim. Les cigarettes américaines nous ont donné mal au cœur et des étourdissements, car nous n’avions jamais fumé un tel tabac. Le troisième jour [29 mars], le [Reserve-Gebirgsjäger-Bataillon 99], dans lequel se trouvait [mon frère] Kurti, est arrivé à notre rencontre. Cela a été un hasard tragique que je n’aie plus eu l’occasion de le revoir avant sa mort. J’ai parlé au chef de groupe qui m’a dit que l’on avait employé de jeunes recrues comme porteurs et qu’elles rapportaient le butin dans la vallée.

Chacun avait son pistolet-mitrailleur
[STEN Mk II] ! C’est ainsi que nous serions les seuls à subir des pertes. En effet, une fois, un soldat a tué son camarade devant des partisans prisonniers, au cours d’une relève inutile, par un coup tiré involontairement. Une autre fois, un tas de ces P.-M. s’est écroulé et quelques-uns se sont mis à danser dans tous les sens, sans que personne ne soit intervenu, jusqu’à ce que le chargeur (environ 35 coups, [en fait, 32 coups exactement]) se soit complètement vidé.

Le troisième jour
[29 mars], nous sommes passés à l’attaque contre une hauteur appelée col de Spée. Dans un bunker, quelques partisans se sont défendus. Il y avait aussi quelques filles allemandes, auxiliaires de la Luftwaffe, qui avaient déserté et avaient, soi-disant, des relations intimes avec plusieurs maquisards, mais portaient encore l’uniforme dans un état négligé. Nous avons eu recours à elles en tant que porteuses. Je ne sais pas ce qu’elles sont devenues. Probablement, on les a tuées plus tard pour cause de désertion. [Ayant capturé des maquisards le 27 mars et peut-être impliqué dans l’exécution de trois d’entre eux (Charra, Cotterlaz-Rannard et Lébovici) au Petit-Bornand le 1er avril, ce soldat a pu, par un mécanisme psychologique de substitution dû à la culpabilité, remplacer, dans son souvenir, les prisonniers français fusillés par trois Allemandes méritant d’être punies pour désertion ?] Lors de cette attaque, le chasseur de première classe Schneider, de Fribourg, s’est tué avec son MP 38. Il avait planté son arme dans la neige à l’aide la crosse afin de se reposer. C’est ainsi qu’un coup est parti et l’a frappé au milieu du front.

Avant de quitter ces hauteurs, nous avons dû mettre le feu aux chalets
[pour éviter que des maquisards ne s’y installent de nouveau]. [Un camarade] nous a pris en photo [voir ci-dessus] quand nous sommes allés de cabane en cabane avec des fourches à foin pleines de paille en feu, avons ouvert les fenêtres afin d’attiser le brasier. Plus tard, certains on remarqué que c’étaient des photos risquées.




Groupe d'éclaireurs allemands sur le plateau avec leur leMG 42 sur traîneau.




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