Les cuirassiers

Les cuirassiers

Page modifiée et augmentée le 6 novembre 2023.



La cavalerie est utile avant, pendant et après une bataille. Une armée supérieure en cavalerie aura toujours l'avantage de bien couvrir ses mouvements, d'être toujours bien instruite des mouvements de son adversaire et de ne s'engager qu'autant qu'elle le voudra. Ses défaites seront de peu de conséquence et ses efforts seront décisifs. Sans cavalerie, les batailles sont sans résultat.

Les carabiniers et les cuirassiers sont seuls en mesure de créer l'événement par l'action de choc massive et brutale. Les cuirassiers sont plus utiles que toute autre cavalerie [...] Leurs charges sont bonnes également au commencement, au milieu et à la fin d'une bataille [...] sur les flancs d'une infanterie engagée de front [...] ou pour soutenir la cavalerie légère et la cavalerie de ligne.

Napoléon



Premier commandement pour la charge :
Garde-à-vous pour charger !
Sabre à la main !
Au trot !
Marche !

Second commandement pour la charge :
Au galop !
Marche !

Sonnerie pour la charge :
Chargez ! (grand galop)



Les cuirassiers, la cavalerie impériale, la charge et mon ancien régiment, le 12e cuir



Voir le 12e régiment de cuirassiers sous le Premier Empire

Voir aussi la page sur la Grande Armée




Colonel (à pied, les épaulettes indiquant le grade) et cuirassier (à cheval) du 8e ou du 11e régiment.



Sous l'Ancien Régime, depuis la fin du XVIIe s., il n'existait plus qu'un seul régiment de cuirassiers : le 8e de cavalerie, dit « des cuirassiers du roi ». C'est Napoléon Bonaparte qui, en 1802, décida de doter de nouveau certains régiments de grosse cavalerie de la cuirasse complète. L'année suivante, douze régiments de cuirassiers furent créés et prirent rapidement la marque des soldats d'élite depuis Louis XIV : la peau d'ours, non pas en bonnet comme pour les grenadiers de la Garde ou les carabiniers, mais en bandeau autour du casque (complétant les épaulettes écarlates et les grenades sur les retroussis de basques)... Pour être admis au sein de ces troupes d'élite, il fallait remplir des conditions particulières : entre autres, mesurer au moins 1,73 m ; avoir fait trois campagnes, etc. En 1809, grandes nouveautés : furent formés deux autres régiments de cuirassiers, auxquels s'ajoutèrent les deux régiments de carabiniers, élite de l'élite, désormais pourvus d'une magnifique cuirasse cuivrée et d'un étincelant casque de cuivre surmonté d'une chenille de crin rouge ! Surtout, chez tous les cavaliers, l'habit à la française fut remplacé par un habit-veste plus fonctionnel, à basques courtes, blanc et bleu ciel à parements rouges ou bleus pour les carabiniers, bleu foncé (dit national, puis impérial) à parements de différentes couleurs selon les régiments pour les cuirassiers. Seuls les trompettes, par respect d'une très vieille tradition, ne portaient pas de cuirasse, mais une sorte de dolman abondamment garni de brandebourgs et agréments en galon de la livrée de l'Empereur.

Comme leur nom le suggère, les cuirassiers, grands gaillards juchés sur de puissants chevaux, bottés et bardés de cuir, étaient protégés par une cuirasse (modèle 1804 amélioré 1807, puis 1812) formée d'un plastron (avant) et d'une dossière (arrière) en tôle de 2,8 mm d'épaisseur, attachés à la taille et reliés aux épaules par des bretelles de cuir recouvertes d'écailles de laiton et garnis de soixante-huit boutons également en laiton. Pesant environ sept kilos, elle était doublée d'une matelassure en chanvre rembourrée de crin. Si elle assurait une assez bonne protection contre les coups de sabre ou de baïonnette et même contre les éclats, elle n'était toutefois pas très efficace contre la mitraille ou une balle de fusil qui perçait environ cinq centimètres de sapin à 250 m (fusil français). Les cuirassiers portaient aussi un fort casque métallique (avec visière, couvre-nuque, protège-joues et jugulaire) surmonté d'un cimier, d'un plumet et prolongé par une crinière (le tout pour en imposer à l'adversaire !).

L'arme offensive de base du cuirassier était le sabre de grosse cavalerie (modèle an IX) appelé vulgairement « latte », car droit et long (lame de 98 cm) : davantage destiné à frapper d'estoc (de la pointe) ou de taille (du tranchant) qu'à croiser en duel d'escrime. Afin de se défendre contre les armes à feu, le cuirassier était également doté de deux pistolets d'arçon (modèle an IX, puis an XIII, calibre 17 mm, env. 35 cm) et même, lors de la campagne de Russie (où il pouvait se trouver isolé en rase campagne), d'un mousqueton (modèle an IX, calibre 17,5 mm, env. 1,10 m).




Cuirassier du 2e ou du 5e régiment.

TENUE : bottes noires à l'écuyère à gros talon avec éperons et genouillère, culotte de cheval boutonnée en peau blanche (mouton) ou beige (daim), habit-veste bleu impérial sans revers à basques courtes, collet de fond, passepoil de collet, parements de manches et retroussis de basques (avec grenades d'élite bleues) écarlates (2e ou 5e régiment), épaulettes à attente, double tournante et frange écarlates (élite), gants blancs, cuirasse en tôle avec ceinture et épaulières en cuir recouvertes de laiton, matelassée de crin, avec fraise écarlate passepoilée de blanc, bandoulière blanche porte-giberne (pour pistolets d'arçon), sabre droit avec dragonne à tresse et gland blancs, fourreau en fer accroché par deux bélières blanches, casque métallique à cimier en laiton, avec plumet écarlate (blanc pour les officiers), crinière et bandeau en peau d'ours (élite) noirs.



Normalement voués à la charge massive et brutale (soit en rupture d'infanterie, soit en contre-attaque de cavalerie), les régiments de cuirassiers (articulés en quatre ou, de 1806 à 1809, cinq escadrons de cent vingt à deux cents cavaliers répartis en compagnies et pelotons) étaient groupés par trois, puis par deux, en brigades. Deux brigades, avec une batterie à cheval (une pièce par régiment), constituaient une division. Les divisions de grosse cavalerie (carabiniers et cuirassiers), dont le nombre varia de deux à quatre, formaient la cavalerie de réserve que l'Empereur pouvait lancer presque en bloc, comme à Eylau, pour faire la décision au terme d'une bataille indécise...

Citons ce dernier : Les carabiniers et les cuirassiers sont seuls en mesure de créer l'événement par l'action de choc massive et brutale. Les cuirassiers sont plus utiles que toute autre cavalerie [...] Leurs charges sont bonnes également au commencement, au milieu et à la fin d'une bataille [...] sur les flancs d'une infanterie engagée de front [...] ou pour soutenir la cavalerie légère et la cavalerie de ligne.

Notons à ce point que, contrairement à ce qu'on voit dans le film Le colonel Chabert, les charges de cavalerie étaient plutôt lentes et s'effectuaient au trot (le galop n'étant pris que pour les cinquante à cent derniers mètres) : il fallait en effet à la fois garder un certain alignement pour accroître la violence du choc final et ménager les chevaux qui devaient pouvoir charger plusieurs fois dans un long mouvement de flux et de reflux. Montures et cavaliers, chargeant un front de troupes, devaient tout d'abord essuyer le tir de l'artillerie (à boulets à partir de huit cents mètres, puis à mitraille en deçà de quatre cents mètres), ensuite affronter la fusillade de l'infanterie (en deçà de cent mètres) et, en évitant leurs compagnons culbutés, se jeter contre son hérisson de baïonnettes ! Enfin, en théorie, car, en pratique, si celui-ci était maintenu et si les chevaux n'étaient pas lancés au grand galop à cause de la fatigue ou du terrain, ces derniers refusaient de venir s'empaler et, pour disloquer un carré, il fallait coordonner les attaques de cavalerie avec les tirs à mitraille de l'artillerie à cheval et les feux précis des tirailleurs. Les centaures sabraient alors les fantassins ennemis à coups répétés. S'ils ne réussissaient pas à percer, ils se repliaient sur les ailes pour reformer leurs escadrons qui repartaient à la charge dans les hurlements et les sonneries de trompettes... Les cuirassiers s'illustrèrent sur la plupart des champs de bataille de l'épopée napoléonienne.

En 1805, à Austerlitz, les cuirassiers, par trois charges successives, enfoncèrent et disloquèrent les forces du prince de Liechtenstein (Autriche) avant de contre-attaquer et de culbuter, avec les grenadiers à cheval de la Garde, la grosse cavalerie russe, réputée la meilleure d'Europe.

En 1806, à Iéna, la cavalerie de réserve, commandée par Murat, transforma la retraite des Prussiens en une fuite éperdue...

En 1807, à Eylau, alors que la bataille, entre une armée impériale éloignée de ses bases et un adversaire russe plus nombreux, demeurait indécise, l'Empereur (Murat, nous laisseras-tu dévorer par ces gens-là ?) lança toute sa cavalerie disponible (soit exactement cinquante-huit escadrons, hors ceux de la Garde) dans la boue glacée et la neige fondue en plein brouillard ! La célèbre charge, très coûteuse, fut néanmoins irrésistible. Précédée d'une « petite » charge de la 2e division de dragons (deux brigades et douze escadrons sous Grouchy) pour reconnaître le terrain et chasser la cavalerie ennemie, la « grande » charge, dirigée par Murat, fut menée par la 2e division de cuirassiers sous Hautpoul (brigade Saint-Sulpice avec le 1er et le 5e cuirassiers, et brigade Clément avec le 10e et le 11e cuirassiers). Hautpoul disposa ses seize escadrons sur deux lignes et cria son fameux commandement : « Cuirassiers, chargez à fond, à fond ! » Tandis que la première ligne, fusillée par les fantassins russes, se replia sur les ailes, la seconde ligne enfonça l'infanterie ennemie malgré ses baïonnettes dressées. La brèche s'élargissant, la 1ère division de dragons (deux brigades et douze escadrons sous Klein) et la 3e division de dragons (trois brigades et dix-huit escadrons sous Milhaud) suivirent et contraignirent les Russes à reculer et à chercher l'abri d'un bois. Mais l'artillerie ennemie ouvrit un feu d'enfer qui freina l'élan français et permit à de nouvelles unités d'infanterie de faire face. Ce fut à ce moment-là que chargèrent les grenadiers et les chasseurs à cheval de la Garde. Le grand maréchal du palais Bertrand écrivit : « Cette charge brillante et inouïe, qui avait culbuté plus de vingt mille hommes d'infanterie et les avait obligés à abandonner leurs pièces, aurait décidé sur le champ de la victoire sans le bois et quelques difficultés de terrain. » Cependant, Napoléon fut si satisfait des résultats obtenus par les cuirassiers qu'il embrassa le général Hautpoul devant le front des troupes !

La même année, à Friedland, les cuirassiers de Nansouty, dont certains régiments chargèrent plus de quinze fois ( ! ), causèrent à l'ennemi des pertes terribles...

En 1809, à Eckmühl, chargeant sans relâche jusqu'à la nuit, les cuirassiers mirent l'armée adverse en déroute et la poursuivirent au clair de lune. Napoléon écrivit au ministre de la Guerre : « Les cuirassiers me rendent des services inappréciables. »

La même année, à Essling, la grosse cavalerie française se dépensa sans compter au prix de lourdes pertes. Les cuirassiers de Nansouty et d'Espagne se couvrirent de gloire...

Toujours en 1809, la bataille de Wagram fut gagnée grâce à l'engagement de toute la réserve de cavalerie.

En 1812, en Russie, cette réserve, aux ordres de Murat, comprenait quatre corps composés chacun d'une division légère et de deux divisions de carabiniers, cuirassiers ou dragons, soit environ quarante mille cavaliers qui firent des prodiges d'héroïsme tout au long de cette terrible campagne. Deux exemples. Au début, à Borodino, sur la Moskowa, les grosses cavaleries des deux adversaires se livrèrent un combat acharné : les Russes durent finalement se replier et furent poursuivis jusqu'à Moscou. Au terme de la catastrophique retraite, lors du célèbre passage de la Bérézina, les débris des divisions de cuirassiers tinrent ferme et permirent aux restes de la Grande Armée de franchir les ponts lancés par les sapeurs de la Garde. Malgré leur épuisement et leur dénuement, les cuirassiers (brigade Oullembourg, division Doumerc) eurent la discipline d'astiquer casques et cuirasses ! Les cavaliers russes en furent frappés de stupeur... C'est alors que des fantômes amaigris, flottant dans leur cuirasse et chevauchant des haridelles, chargèrent furieusement dans l'éclatement des trompettes : les Russes se débandèrent...




Cuirassier du 5e régiment lors de la reconstitution en 2014 de la bataille de Borodino.



En 1813, contre les Autrichiens, Murat et la cavalerie de réserve firent merveille : enfoncée, disloquée, sabrée, cernée ou poursuivie, l'infanterie ennemie perdit cinq mille tués et plus de dix-huit mille prisonniers.

En 1814, sur le territoire national envahi, les cuirassiers de Bordesoulle battirent souvent un ennemi bien plus nombreux, mieux monté et instruit.

En 1815, au cours de la campagne de Belgique, lors de la victoire de Ligny contre les Prussiens, le cheval de Blücher lui-même s'abattit au milieu d'une charge vigoureuse du 9e cuirassiers. Deux jours plus tard, à Waterloo, le même régiment, accompagné du 6e, ramena la cavalerie de la garde anglaise « l'épée dans les reins ». Et, pendant plusieurs heures, dans les pires conditions de terrain (pentes boueuses d'un plateau), près de six mille carabiniers, cuirassiers et dragons, soutenus par près de quatre mille cavaliers de la Garde, se précipitèrent sur les carrés anglais et alliés encore intacts, peu bombardés, bien pourvus en artillerie et organisés en profondeur derrière les chemins creux et les crêtes. Le tir dense et précis des excellents canons et fusils britanniques fit des ravages parmi les cavaliers trop concentrés. Pourtant, à force d'acharnement (certains escadrons chargèrent douze fois !), les carrés ennemis furent ébranlés, pénétrés, pourfendus, amenuisés. Si l'Empereur avait disposé de l'infanterie d'élite qui contenait l'irruption prussienne sur les arrières, l'armée anglaise eût été bel et bien battue... En tout cas, les officiers alliés furent unanimes à souligner la bravoure et l'allant des cuirassiers français qui, sabre à la main, s'élançaient vers la mort surgissant des bouches à feu. Le commandant en chef des armées anglo-hanovrienne et hollando-belge, Wellington lui-même, déclara à ses officiers : Messieurs, vous ignorez peut-être quelle est actuellement la meilleure cavalerie d'Europe ? C'est la plus mal montée de toutes : la cavalerie française ! Depuis que j'ai eu personnellement à soutenir les effets de son audace et de sa détermination, je n'en connais aucune qui soit capable de la surpasser.





Formations de cuirassiers et carabiniers dans la Grande Armée de 1805 à 1815.


D’après un décret du 31 août 1806, chaque régiment de cuirassiers doit comprendre un état-major, composé de vingt personnes, et quatre escadrons à deux compagnies comptant chacune exactement cent cavaliers, soit un total de huit cent vingt hommes. Un cinquième escadron doit être formé, mais il est supprimé le 24 décembre 1809. Cependant, chaque escadron devant aligner alors deux cent quarante cavaliers, il reste neuf cent quatre-vingts hommes en tout. Toutefois, ce nombre est évidemment théorique et, en réalité, les effectifs sont souvent bien inférieurs et varient selon les unités. Par exemple, à l’entrée en campagne, les cuirassiers du 12e régiment sont environ cinq cents en 1805, six cents en 1807, huit cent cinquante en 1809, près de mille en 1812, seulement trois cents en 1813 et deux cent cinquante en 1815. Ainsi, les indications suivantes sont des moyennes approximatives.

Composition théorique d'une compagnie de cuirassiers en 1809.

Un capitaine
Un lieutenant
Un maréchal des logis-chef
Un brigadier-fourrier
Deux trompettes (un par peloton)
Deux sous-lieutenants, chefs de peloton (le 2e depuis le décret impérial du 30 avril 1809)
Quatre maréchaux des logis, chefs de demi-peloton
Huit brigadiers, chefs d'escouade
Quatre-vingts simples cuirassiers
TOTAL = cent cuirassiers

1805 : Deux divisions (Nansouty et Hautpoul), soit dix régiments à quatre escadrons de cent vingt cavaliers (environ cinq mille au total).

1809 : Une division de réserve (Nansouty) et deux divisions détachées (Espagne et Saint-Sulpice), soit quatorze régiments à cinq escadrons de cent soixante cavaliers (près de douze mille au total).

1812 : Un corps à deux divisions (Saint-Germain et Valence) sous Nansouty ; une division (Walther) dans le corps de cavalerie de Montbrun et une division (Doumerc) dans le corps de cavalerie de Grouchy, soit seize régiments à quatre escadrons de deux cents cavaliers (plus de douze mille au total).

1815 : Deux corps à deux divisions (Watier et Delort sous Milhaud ; Lhéritier et Roussel d'Urbal sous Kellermann), soit quatorze régiments (deux régiments de dragons pour compléter) à trois escadrons de cent vingt cavaliers (environ cinq mille au total).



Organisation de la cavalerie impériale.


La cavalerie est utile avant, pendant et après une bataille. Une armée supérieure en cavalerie aura toujours l'avantage de bien couvrir ses mouvements, d'être toujours bien instruite des mouvements de son adversaire et de ne s'engager qu'autant qu'elle le voudra. Ses défaites seront de peu de conséquence et ses efforts seront décisifs. Sans cavalerie, les batailles sont sans résultat. Napoléon

Avant la bataille, la cavalerie éclaire l'armée ; pendant la bataille, elle soutient l'infanterie, exploite ses succès ou crée l'« événement » ; après la bataille, elle poursuit l'ennemi ou couvre la retraite.

A. ORGANISATION FONCTIONNELLE :

1) CAVALERIE LEGERE : HUSSARDS pour la reconnaissance et CHASSEURS pour la poursuite.

2) CAVALERIE DE LIGNE : DRAGONS en soutien de la cavalerie légère, tête de pont (à pied) et LANCIERS en appui direct.

3) GROSSE CAVALERIE : CARABINIERS et CUIRASSIERS en soutien de la légère, de la ligne et pour créer l'« événement » (rupture d'un front).

REPARTITION et EVOLUTION :

1804 :

CAVALERIE LEGERE : 10 régiments de hussards ; 24 de chasseurs.

CAVALERIE DE LIGNE : 30 régiments de dragons.

GROSSE CAVALERIE : 2 régiments de carabiniers ; 12 de cuirassiers.

GARDE IMPERIALE : 1 régiment de chasseurs à cheval (légère) ; 1 régiment de grenadiers à cheval (grosse) : Vieille Garde.

Soit 80 régiments (35 de légère, 30 de ligne, 15 de grosse), chacun à 4 escadrons de 120 cavaliers (env. 500 « sabres ») : quelque 40 000 cavaliers au total.

1806 - 1807 (apogée) :

A la Garde impériale, s'ajoutent 1 régiment de dragons et 1 régiment de chevau-légers (ligne) : Vieille Garde.

Tous les régiments passent à 5 escadrons de 160 cavaliers (env. 800 « sabres ») : quelque 65 000 cavaliers au total.

1809 - 1812 :

2 nouveaux régiments de cuirassiers ; les carabiniers se cuirassent : 16 régiments cuirassés.

10 nouveaux régiments de chevau-légers lanciers (1 pour la Garde dont le régiment de chevau-légers devient aussi lanciers).

6 régiments de dragons supprimés.

2 nouveaux régiments de hussards.

6 nouveaux régiments de chasseurs.

Soit 96 régiments (42 de légère, 33 de ligne, 16 de grosse et 5 de la Garde en dernière réserve) qui reviennent à 4 escadrons, mais de 200 cavaliers (environ 800 « sabres ») : quelque 77 000 cavaliers au total.

1813 - 1815 :

En 1813, la Garde impériale accueille 3 régiments d'éclaireurs (légère) et 4 de gardes d'honneur (ligne) : Jeune Garde (en première réserve), mais la cavalerie, reconstituée tant bien que mal après la campagne de Russie, ne compte plus qu'env. 45 000 h. pour la campagne d'Allemagne. L'année suivante, lors de la campagne de France, elle est même réduite à env. 15 000 cavaliers qui sont à peine le double en 1815 (env. 22 000 dans l'armée du Nord en Belgique).

B. ORGANISATION TACTIQUE :

1) ORGANISATION GENERALE : les régiments de cavalerie, articulés en quatre, puis, de 1806 à 1809, en cinq escadrons (de cent vingt à deux cents cavaliers répartis en compagnies et pelotons), sont groupés par deux ou trois en brigades qui, couplées, avec une batterie d'artillerie à cheval (une pièce par régiment), constituent une division.

2) ORGANISATION PARTICULIERE :

CAVALERIE LEGERE : organisée en brigades à trois régiments ou divisions à quatre régiments, chacune attachée à un corps d'armée. En 1806, trois brigades à deux régiments, en 1807, une division organique, puis une autre en 1809, sont placées au sein de la réserve générale dans laquelle, en 1812, une division à quatre régiments est attachée à chacun des quatre corps de cavalerie et, en 1815, deux divisions forment un corps de cavalerie légère.

CAVALERIE DE LIGNE : organisée en divisions à quatre régiments (dragons et lanciers), détachées auprès des corps d'armée, ou à quatre-six régiments (dragons), placées au sein de la réserve générale dans laquelle, en 1812 et 1815, deux d'entre elles forment un corps propre. (En 1812, un régiment de lanciers est attaché à chacune des divisions de grosse cavalerie ; en 1815, une brigade de lanciers à deux régiments est attachée aux deux premiers corps d'armée.)

GROSSE CAVALERIE : organisée en divisions à quatre-six régiments (deux en 1805, trois en 1809, quatre en 1812 et 1815), fer de lance de la réserve générale dans laquelle, en 1812, deux d'entre elles forment un corps propre et, en 1815, les quatre divisions forment deux corps.

N.B. A partir de 1805, la réserve de cavalerie rassemble les divisions de grosse cavalerie (forcément cavalerie de réserve) et deux à quatre divisions de ligne (dragons). En 1807, elle comprend organiquement une division de légère, suivie d'une autre en 1809. En 1812, elle est organisée en quatre corps (un de grosse cavalerie, un de ligne et deux mixtes), chacun à deux divisions, une division de légère et de l'artillerie à cheval. En 1815, elle comporte également quatre corps plus réduits (à deux divisions) et de l'artillerie à cheval : deux de grosse cavalerie, un de ligne et un de légère.

A la fin de l'Empire, la Garde impériale, outre deux escadrons de gendarmes d'élite, comprend :

- un régiment de grenadiers (grosse) et un de chasseurs (légère) avec la compagnie de mameluks, chaque régiment ayant deux escadrons supplémentaires de vélites (aspirants-officiers).

- un régiment de dragons, dits « de l'Impératrice », et deux de lanciers : lanciers polonais et lanciers rouges (ligne).

- trois régiments d'éclaireurs (légère) et quatre de gardes d'honneur (ligne).



La charge des cuirassiers sous le Premier Empire.


Emploi : les cuirassiers étaient destinés à la charge, c’est-à-dire à l’attaque impétueuse. Comme susmentionné, d’après Napoléon, […] [ils] sont seuls en mesure de créer l'événement par l'action de choc massive et brutale. Les cuirassiers sont plus utiles que toute autre cavalerie [...]. Leurs charges sont bonnes également au commencement, au milieu et à la fin d'une bataille [...] sur les flancs d'une infanterie engagée de front [...] ou pour soutenir la cavalerie légère et la cavalerie de ligne.

Aussi les régiments de cuirassiers, articulés en quatre escadrons à deux compagnies à deux pelotons, et regroupés au sein des divisions de grosse cavalerie, formaient-ils la cavalerie de réserve que l'Empereur pouvait lancer pour obtenir la décision au terme d'une bataille.

Formation : en général, les cuirassiers chargeaient par escadron sur deux rangs (soit un front de soixante à cent mètres, cavaliers presque botte à botte) afin d’éviter la chute sur les chevaux abattus par le feu. Face à ce dernier (boulets, mitraille, balles), le maintien de la formation, aussi bien durant l’attaque qu’au cours du repli, requérait une instruction et un entraînement extrêmement poussés (voir Ordonnance pour la cavalerie, rédigée par ordre du maréchal Berthier, ministre de la Guerre, Paris, Magimel, 1813), car la charge était loin d'être la ruée sauvage qu'elle paraît ; pour être efficace, non seulement elle supposait des chevaux et des cavaliers longuement entraînés au combat et aux manoeuvres complexes, des officiers expérimentés ayant le fameux coup d'oeil et l'esprit de décision, mais encore elle devait, au grand galop sous le feu de l'artillerie et de l'infanterie, garder les alignements et les intervalles entre les escadrons, ce qui exigeait beaucoup de résolution et de sang-froid.

Citons l'Empereur à ce sujet : C'est dans la grosse cavalerie [carabiniers et cuirassiers] que doit être, au plus haut degré, la science de l'homme à cheval. [...] Cette arme, qui m'a rendu de si importants services, a besoin d'être bien instruite, et on peut dire que l'instruction fait tout. (Correspondance XII, au prince Eugène, 1806)

Les chefs d'escadron chargeaient à la tête de leur unité ; le colonel se plaçait là où il estimait être le plus nécessaire, le major à ses côtés ; les trompettes se tenaient un peu en arrière du centre avec leur brigadier, sauf si le colonel gardait ce dernier auprès de lui.

Contre la cavalerie ou l’infanterie en ligne, la charge des cuirassiers s’effectuait de même en ligne, parallèle ou oblique si le front adverse était plus étendu, à l'effet de lui ôter cet avantage en refusant une aile et en débordant éventuellement l'une des siennes.

Contre la cavalerie en colonne ou l’infanterie en colonne ou en carré, la charge des cuirassiers s’effectuait également en colonne, mais par échelons, c'est-à-dire en vagues successives, dirigées surtout contre les angles d'un carré, points les plus vulnérables, les escadrons se suivant l’un derrière l’autre à distance double de leur front, de sorte que le premier escadron ayant été repoussé, il pût se replier de part et d'autre, dégageant le front pour le deuxième escadron. Si celui-ci perçait l'ennemi, l'escadron suivant avait l'occasion de le culbuter en se jetant sur ses flancs, le meilleur moyen de provoquer sa déroute selon le général Thiébault.

Allure : en principe, la charge des cuirassiers se déroulait au trot, puis au galop sur les cinquante à cent derniers mètres au grand maximum afin de maintenir la cohésion de l’ensemble, de garder l’alignement pour accroître la violence du choc final, et aussi afin de ménager les chevaux qui devaient être en mesure de charger éventuellement plusieurs fois. Idéalement, la charge débutait au pas (environ 100 m/minute) ; ensuite, elle s’accélérait graduellement, passant du trot de plus en plus rapide (200 à 240 m/minute) au petit galop (300 m/minute) et, enfin, au grand galop (360 m/minute, voire un peu plus, compte tenu d'un poids porté d'environ... 150 kg : le cavalier, avec ses vêtements, son équipement, son armement, son fourniment ; le harnachement de la monture...) juste avant de percuter l’ennemi.

Premier commandement pour la charge :
Garde-à-vous pour charger !
Sabre à la main !
Au trot !
Marche !

Second commandement pour la charge :
Au galop !
Marche !

Sonnerie pour la charge :
Chargez ! (grand galop)

Dans les faits, selon les situations et les chefs, le galop pouvait être pris à une dizaine de mètres seulement contre de la cavalerie ou à une cinquantaine de mètres contre de l’infanterie, sachant que les balles de celle-ci perçaient à coup sûr une cuirasse en deçà de cette distance, même si les fantassins visaient surtout les chevaux. Parfois, en fonction du terrain et de la fatigue, la charge ne consistait qu’en une avance massive au pas pour tenter de submerger l’ennemi comme à Waterloo où le général anglais Mercer décrit ainsi la charge des cuirassiers français contre ses batteries : Je vis, au travers de la fumée, les escadrons [qui progressaient] au trot rapide […]. […] le feu commença à mon commandement. La toute première salve jeta à terre un certain nombre d’hommes et de chevaux, mais [les cuirassiers] continuaient néanmoins à avancer à allure réduite, presqu’au pas, et il apparut qu’ils allaient nous submerger.

De plus, la raison aurait voulu que les cuirassiers ne missent le sabre à la main qu’au dernier moment afin de ne pas fatiguer inutilement leur bras et mieux conduire leur monture, mais l’on préconisait de brandir les sabres au plus tôt en vue d’effrayer l’adversaire par une rangée de lames étincelantes, et donner du cœur aux cavaliers. Ceux-ci, qui, pendant l’approche, se penchaient sur l’encolure pour éviter les projectiles, se redressaient soudain juste avant le choc, s'élevaient sur leurs étriers en agitant leur sabre (pointé au premier rang, croisé au-dessus de la tête au second) en poussant un hurlement, ce qui accentuait la vision terrifiante d’une masse déferlante dans le fracas des sabots et des trompettes !

Combat : si les cuirassiers frappaient ou piquaient les fantassins ennemis à coups répétés avec leur long sabre droit et pointu qui leur servait aussi à parer les coups de baïonnette, c’était dans les combats de cavalerie, contre les coups des sabres adverses, que leur cuirasse se révélait le plus utile.

Le général Thiébault résume ainsi la question : La plus grande force d’une cavalerie qui charge étant dans l’effet moral qu’elle produit, et dans son choc, et cet effet moral et ce choc ne pouvant résulter que de l’ordre et de la vitesse, tout doit être sacrifié à le maintenir et à la rendre toujours croissante, sans rien perdre de la régularité dans les rangs, dans la formation, dans les mouvements et dans l’attaque.

Quand Napoléon, impatient de ne pas voir avancer sa bataille vers la conclusion de la victoire, disait à Murat : « Sire, coupe-moi ça en deux ! » nous partions d'abord au trot, puis au galop ; une, deux ! L'armée ennemie était fendue comme une pomme avec un couteau. Une charge de cavalerie, mon vieux, mais c'est une colonne de boulets de canon ! (le chef d'escadron Genestas dans Le Médecin de campagne de Balzac)




Chant Les cuirassiers :

Au milieu de la bataille,
Sur les étriers de leurs grands chevaux,
Grisés par le sang, la mitraille,
Les cuirassiers chargent au galop.
C’est la charge, c’est la foudre,
C’est l’assaut dans le sang et dans la poudre.
L’ennemi s’enfuit, l’épée dans les reins,
Laissant tous ses morts sur le terrain.

Les cuirassiers sur les étriers
De leurs grands chevaux,
Pour mieux boire à la victoire,
Remettent vivement les sabres au fourreau.




Cuirassier Cerri et son cheval en 1978 (club d'équitation du 12e régiment de cuirassiers, 3e division blindée, Forces françaises en Allemagne).



Cuirassier Cerri devant le quartier Turenne en 1978 : 12e régiment de cuirassiers, devise : In periculo ludunt (« Au danger mon plaisir » ; littéralement, « Ils jouent dans le danger  »).



Le 12e régiment de cavalerie (Dauphin-cavalerie*, l'un des plus anciens régiments de France) a reçu la cuirasse complète de sept kilos en 1803 lorsque Napoléon Bonaparte a constitué les douze premiers régiments de cuirassiers (avec le bandeau en peau d'ours des soldats d'élite). Depuis cette époque, le 12e cuir n'a cessé de s'illustrer sur les champs de bataille. Dans la grosse cavalerie de la Grande Armée, il a chargé avec succès entre autres à Austerlitz, à Iéna, à la Moskowa... Plus tard, à Solferino... Au cours de la Grande Guerre, sur l'Avre, sur l'Yser, à Saint-Mihiel... A la fin de la Seconde Guerre mondiale (les chars ayant remplacé les chevaux), à Paris, puis à Strasbourg... Le 12e cuir appartenait alors à la fameuse 2e D.B. du général Leclerc. La prestigieuse grande unité n'ayant pas encore été reformée au moment de mon service militaire, le 12e en maintenait cependant les traditions au sein d'une autre formation. Ainsi, avec un camarade photographe, ai-je été choisi pour représenter le régiment lors du 35e anniversaire de l'entrée de la 2e D.B. dans Paris fin août 1944...

En effet, d'octobre 1978 à octobre 1979, j'ai effectué mon service militaire national au sein de l'escadron de commandement et des services (E.C.S.) du 12e régiment de cuirassiers, l'un des deux régiments de chars de bataille de la 3e division blindée du 2e corps d'armée (Forces françaises en Allemagne). En sus de l'E.C.S., le régiment comprenait quatre escadrons de chars AMX 30 et un escadron d'engins blindés AMX 10 P.

Après mes « classes », j'ai été nommé responsable du journal régimentaire Dauphin* Actualités (rédaction et mise en pages). Dans ce cadre, j'ai réalisé différents reportages (dont un à Berlin) et j'ai aussi écrit des articles pour la revue divisionnaire Les Carnets du Rhin. Toutefois, mon poste de journaliste régimentaire n'existant pas en temps de guerre, j'ai également fait fonction de chef de groupe de combat sur engin blindé AMX 10 P d'accompagnement des chars au sein du 5e escadron (photos ci-jointes montrant des AMX 10 P pendant et après leur départ du quartier Turenne en 1978).

* Créé le 24 mars 1668 par Louis XIV pour assurer la protection de son fils Louis, dauphin de France, le régiment a reçu l'appellation de Dauphin-cavalerie.




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