La Grande Armée

La Grande Armée

Page modifiée le 1er novembre 2023.



L'art de la guerre consiste, avec une armée inférieure, à avoir toujours plus de forces que son ennemi sur le point que l'on attaque ou qui est attaqué. Napoléon

(Exemples dès la première campagne d'Italie en 1796.)




Table des matières :

La Grande Armée : organisation et tactique

La Grande Armée : unités, grades et fonctions, etc.

La Garde impériale donne pour la dernière fois

La Garde impériale : unités, grenadiers et chasseurs, effectifs

Un excellent maréchal d'Empire : Louis-Gabriel Suchet

Un vaillant général de division et baron de l’Empire, né à Annecy : Pierre Decouz

Les cuirassiers, la cavalerie impériale, la charge et mon ancien régiment, le 12e cuir

Le 12e régiment de cuirassiers sous le Premier Empire

La bataille de Waterloo




La Grande Armée : organisation et tactique




Aigle impériale.



Contrairement à ses adversaires pour lesquels, selon la tradition, la bataille n'est qu'un moyen parmi d'autres, l'Empereur recherche systématiquement la bataille décisive qui contraindra l'ennemi à capituler. Dans cette perspective, il manifeste un esprit résolument offensif et n'a qu'un but stratégique : se trouver le plus fort là où il a décidé de frapper le coup décisif, ce qu'il parvient à réaliser en pratiquant une stricte économie de ses forces sur les secteurs secondaires grâce à un sang-froid et à un coup d'oeil exceptionnels ainsi qu'à une grande expertise opérationnelle.

Pour ce faire, il constitue, dans le cadre de la Grande Armée (armée principale qu'il commande en personne), deux groupes d'armée indépendants : l'un, formé de différents corps d'armée sous le commandement des maréchaux, pour préparer et mener le combat ; l'autre, formé de réserves générales sous son commandement plus ou moins direct, afin de terminer la bataille en produisant l'« événement ».

A partir de là, la « grande tactique » de Napoléon se résume, selon ses propres termes, à l'art de « réunir » et de « concentrer » son armée : celle-ci est « réunie » quand ses divers éléments sont en relation et assez proches pour n'être pas coupés par l'ennemi, et elle se trouve « concentrée » lorsque ceux-ci se rassemblent pour la bataille.

A cet effet, depuis 1803, l'unité tactique majeure est le corps d'armée, véritable petite armée autonome de quinze à quarante-cinq mille hommes commandés par un maréchal et constituant la plus grande formation opérationnelle interarmes. Chaque corps comprend deux à quatre divisions d'infanterie (avec quinze à vingt pour cent de voltigeurs), une brigade ou une division de cavalerie légère (éclaireurs, chasseurs), de l'artillerie divisionnaire et de réserve, du génie et des services. Même les différentes composantes de la réserve générale finissent par former des corps d'armée : corps d'infanterie, de cavalerie (de ligne - dragons - et de bataille - cuirassiers) ; corps de la Garde, ultime réserve interarmes qui protège la réserve d'artillerie. Outre cette réserve générale, la Grande Armée comporte généralement de six à douze corps que l'Empereur jette en avant comme les mailles d'un gigantesque filet. Suffisamment puissants pour résister à l'ennemi en attendant du secours, mais point trop massifs pour garantir souplesse et vitesse d'exécution, ces corps permettent de couvrir un grand territoire à la recherche de l'ennemi, et de réaliser des manoeuvres enveloppantes tout en dissimulant les intentions jusqu'au dernier moment.


Lorsque Napoléon décide d'engager la bataille décisive, la plupart des corps convergent à marche forcée vers le point prévu tandis que certains assurent les arrières ou fixent des éléments adverses. Deux cas peuvent se présenter : soit l'Empereur dispose d'une nette supériorité numérique sur son théâtre d'opérations principal, soit il est plus faible.

Dans le premier cas, alors que le corps au contact retient l'ennemi par une démonstration, le gros de l'armée, précédé d'une avant-garde de cavalerie, par une marche audacieuse et rapide, se jette sur ses arrières afin de couper sa ligne de retraite : c'est la manoeuvre « sur les derrières », manoeuvre par excellence de Napoléon, qui produit une démoralisation préalable de l'adversaire (exemple de Iéna qui a réussi).

Dans le second cas, après une attente stratégique ou par un coup offensif, les corps font irruption au milieu des forces de l'ennemi en vue de l'empêcher de se concentrer ou de le diviser, les deux fractions adverses étant alors réduites une à une par l'intervention des réserves : c'est la manoeuvre « sur position centrale » (exemple de Ligny-Waterloo qui a échoué).

Sur chaque champ de bataille, dans le lent mouvement de flux et de reflux des combats marqués par l'alternance des attaques d'infanterie et de cavalerie préparées et soutenues par l'artillerie, Napoléon tente d'obliger l'ennemi à engager ses réserves en paraissant faiblir sur une aile (réussite d'Austerlitz) ou en lançant de forts assauts sur un point vital (échec de Waterloo). L'adversaire une fois épuisé ou à tout le moins déstabilisé par un mouvement débordant ou tournant, l'Empereur fait donner ses propres réserves qui entreprennent de le percer et de le couper en deux parties à poursuivre. Cette manoeuvre a réussi à Ligny où Blücher, attiré et fatigué sur sa droite, fixé sur sa gauche, a été percé au centre [Hitler reprendra, en l'inversant, ce plan contre les Français en 1940 !] ; elle a échoué à Waterloo où Wellington, bien retranché, a repoussé les assauts de l'infanterie et a résisté à ceux de la cavalerie le temps nécessaire à l'arrivée de Blücher, mal poursuivi et retenu, qui a contraint Napoléon à fractionner ses maigres réserves.

Toutefois, contrairement à ce que d'aucuns prétendent, rares sont les batailles dont l'issue est fatale : c'est ce qu'avait bien compris l'Empereur dont la principale qualité, outre la prise en compte de toutes les possibilités, était l'absence d'idées préconçues et la grande capacité d'adaptation aux circonstances (ainsi, à Austerlitz, modifia-t-il trois fois son plan). Même Waterloo, malgré la disproportion des forces (les alliés étaient près de deux fois plus nombreux que les Français), les erreurs commises et les retards accumulés, aurait pu être une victoire, car, si Blücher avait été mieux poursuivi et retenu ou si Napoléon avait déclenché l'offensive quelques heures plus tôt, comme le dit un historien belge (J. Logie) pourtant défavorable à celui-ci, « ...il n'est pas douteux que l'armée de Wellington, très éprouvée, n'aurait pu résister à une troisième attaque générale menée par l'infanterie de Lobau [corps de réserve] et de la Garde, et soutenue par la grosse cavalerie de Kellermann et Guyot ». Citons encore sur ce point le fameux théoricien militaire Carl von Clausewitz, adversaire de l'Empereur et critique impitoyable : Si nous considérons comme possible le succès près de Mont-Saint-Jean, ce n'est que parce que nous croyons soixante-dix mille Français, conduits par Bonaparte et Ney, bien supérieurs à soixante-dix mille alliés [...] [qui] ont bien plus vite fondu que les Français dans le combat ; cela semble résulter de l'aveu de tous les témoins oculaires. Si, effectivement, la situation de Wellington, à cinq heures de l'après-midi, était déjà très difficile, sans qu'un seul homme du 6e corps [de réserve] et de la Garde eût combattu contre lui, il faut reconnaître en cela la supériorité des troupes françaises.




Fantassin de l'armée impériale.



Quoi qu'il en soit, une bataille typique (bien que chaque bataille soit spécifique), aboutissement de tout un ensemble de savantes opérations, se déroule en gros de la façon suivante.

Les unités de cavalerie légère (hussards qui éclairent et chasseurs qui poursuivent), soutenues par la cavalerie de ligne (dragons qui peuvent combattre à pied et tenir une tête de pont) et par la grosse cavalerie (cuirassiers qui peuvent repousser une contre-attaque adverse), localisent l'ennemi, l'évaluent et le forcent à se déployer sur un terrain défavorable. Les colonnes d'infanterie arrivent et, sous la protection de la cavalerie et de l'artillerie, s'emparent de bonnes positions d'attaque en poussant le combat tard dans la nuit pendant laquelle les corps éloignés marchent sans relâche pour rejoindre le champ de bataille avant l'aube.

Au point du jour, l'armée concentrée prend ses dispositions de combat. L'artillerie ouvre le feu sur tout le front et, éventuellement, la cavalerie charge pour contraindre l'ennemi à se montrer ou à se fixer. Si ce dernier n'attaque pas une aile volontairement dégarnie, l'Empereur peut lancer un assaut général, mais semble vite s'acharner sur un point pour en fait essayer de percer sur un autre une fois que l'adversaire, ébranlé par un mouvement débordant ou tournant, a entamé ses réserves.

Avec la cavalerie légère aux ailes pour éviter les débordements, précédée d'une nuée de tirailleurs (voltigeurs dispersés de l'infanterie légère) qui harcèlent l'ennemi et couvrent les mouvements par la fumée de leur feu, l'infanterie de ligne des corps d'armée s'avance par divisions sur deux lignes (en général, une brigade par ligne plutôt que deux brigades accolées avec un régiment sur chaque ligne). Comme, à la fin du XVIIIe s., l'« ordre profond » (colonnes chargeant à la baïonnette, donc puissance du choc) l'a emporté sur l'« ordre mince » (lignes déployées, donc puissance du feu), la brigade de première ligne, quelquefois déployée en entier, présente le plus souvent une alternance de bataillons déployés et de bataillons en colonnes à « intervalles de déploiement », prêts à appuyer le feu des premiers par le choc ; la brigade de seconde ligne se trouvant entièrement disposée en colonnes : bataillons accolés, successifs ou en échelons débordants. Chaque bataillon (de six à neuf cents hommes) s'articule en six compagnies (à partir de 1808) : quatre ordinaires de fusiliers qui peuvent former la base d'un carré (mur de feu et d'acier) contre la cavalerie ; deux d'élite, une de voltigeurs qui précèdent et préparent, et une de grenadiers qui suivent et renforcent. Les voltigeurs utilisent le terrain pour tirailler ; à portée de l'ennemi, les fusiliers, déployés sur deux ou trois rangs (un rang tire pendant que l'autre recharge), s'arrêtent, lâchent une salve de ligne ou feu de file, puis tirent à volonté en feux de peloton ; massés en colonnes de bataillon avec deux compagnies de front (pour faciliter le déploiement ou la formation en carré), ils chargent à cent vingt pas à la minute, dans les cris et les roulements de tambours, à la baïonnette (c’est-à-dire l’arme au bras, qu’ils mettent crosse à la hanche, baïonnette en avant, au dernier moment, ce qui s’appelle « croiser la baïonnette »). Toutefois, les corps à corps, fréquents dans les combats dispersés en « zones denses » (bois, villages, etc.), sont plutôt rares en ligne, car, face à une unité qui, malgré la mousqueterie, maintient sa cohésion et poursuit son assaut à la baïonnette, telle la Garde, l'adversaire refuse, la plupart du temps, le contact, s'enfuit ou se replie. De plus, contrairement à ce que montre l'imagerie courante, dans une compagnie, le capitaine se place, non pas devant ses hommes, mais à droite du premier rang ; les lieutenants et les tambours se tenant derrière les sections.

L'artillerie divisionnaire (en général un canon de « six » ou de « huit » par bataillon plus deux obusiers) est répartie dans les intervalles tandis que l'artillerie de corps (pièces de « douze ») est regroupée à l'arrière parfois en grandes batteries avec celle de la réserve générale sur le point d'effort principal.

La cavalerie de ligne (dragons qui crachent le feu et lanciers qui percent) et la grosse cavalerie (cuirassiers qui défoncent) précède quelquefois l'infanterie pour faciliter son action ; la plupart du temps, elle la suit, prête à la soutenir. Sur le point d'effort principal, c'est une grande partie de la réserve générale qui est mise en oeuvre en vue de rompre le front adverse et de créer l'« événement » (les cuirassiers, en particulier, jouent un rôle décisif par leur action de choc massive et brutale). Dans tous les cas, la cavalerie, organisée en divisions à deux brigades à deux régiments à quatre escadrons (de cent vingt à deux cents hommes), se trouve disposée en lignes ou en colonnes souvent placées en échelons pour multiplier les attaques. Appuyée par l'artillerie divisionnaire à cheval (un canon de « quatre » ou de « six » par régiment) qui la devance parfois pour mitrailler les rangs ennemis, elle lance une succession de charges, d'abord au trot, puis au galop (cinquante à cent derniers mètres) dans les hurlements et les sonneries de trompettes. Après chacune d'entre elles, les escadrons se reforment sur les ailes et repartent à l'assaut.

Finalement, la bataille offre le spectacle d'une série incessante d'attaques et contre-attaques d'infanterie et de cavalerie sous le déluge de feu de l'artillerie, interrompue par des changements brusques : mouvements tournants, rupture du front... Au fil des années, avec l'accroissement des pertes, la disparition des anciens soldats qui ne peuvent plus former des conscrits expédiés de plus en plus vite sur le front, avec l'intégration d'étrangers toujours plus nombreux, l'armée napoléonienne perd de sa qualité et notamment de sa capacité manoeuvrière. Pour compenser cette faiblesse, Napoléon simplifie son système qui devient trop rigide. De fortes concentrations d'artillerie se substituent à l'infanterie défaillante qui, à couvert de tirailleurs en « grandes bandes », ne manoeuvre guère et ne se déploie plus : en grosses colonnes compactes, très vulnérables au feu et aux charges, elle tente, appuyée par une attaque massive de la cavalerie, de percer d'un seul coup tel un bélier lancé à toute vitesse (exemple de Wagram où les cent pièces de Drouot ouvrent la voie à l'énorme colonne Macdonald suivie de toute la réserve de cavalerie).

Si l'ennemi épuisé, déséquilibré, percé, résiste encore, une fois toutes les réserves employées, l'Empereur engage sa Garde (divisions d'infanterie et de cavalerie de Jeune, Moyenne, puis de Vieille Garde, constituées de combattants d'élite chevronnés), « espoir suprême et suprême pensée », qui fonce sans esprit de recul...



Unités, composition et commandement dans les armes de mêlée : infanterie et cavalerie


Unités Composition et commandement dans l'infanterie Composition et commandement dans la cavalerie
escouade 10 à 15 fantassins + un caporal 5 à 10 cavaliers + un brigadier
demi-section ou demi-peloton 2 escouades + un sergent 2 escouades + un maréchal des logis
section ou peloton 4 escouades + un sous-lieutenant ou un lieutenant (1ère section) 4 escouades + un sous-lieutenant (depuis le décret impérial du 30 avril 1809 pour la grosse cavalerie)
compagnie 2 sections + un capitaine, un sergent-major, un caporal-fourrier, 2 tambours, soit 100 à 140 hommes 2 pelotons + un capitaine, un lieutenant, un maréchal des logis-chef, un brigadier-fourrier, 2 trompettes, soit 60 à 100 hommes
bataillon ou escadron 6 compagnies : chef de bataillon 2 compagnies : chef d'escadron
régiment 2 à 4 bataillons : colonel 4 escadrons : colonel
brigade 2 régiments : général de brigade 2 régiments : général de brigade
division 2 brigades : général de division 2 brigades : général de division

N.B. Le plus haut grade est celui de général de division, lequel peut porter le titre de général en chef lorsqu'il commande un corps d'armée ou de généralissime (dixit le général baron de Marbot) s'il commande une armée indépendante de la Grande Armée, qu'il soit ou non élevé à la dignité de maréchal, laquelle n'implique pas de commandement particulier.

Dans ces tableaux, ne sont pas mentionnés les grades suivants : adjudant sous-officier, qui, entre sergent-major et sous-lieutenant, « aide » (latin adjuvare, « aider ») les officiers subalternes ; major, officier supérieur, qui, entre chef de bataillon/escadron et colonel, est adjoint au chef de corps (le régiment avec son bataillon de dépôt) ; colonel en second, dans la Ligne, grade temporaire, désignant le commandant d'un régiment provisoire, ou, dans la Garde, titre désignant le commandant en second d'un corps de grenadiers ou de chasseurs (grade de général de brigade, puis de division), mais, selon la volonté de l'Empereur (voir ci-dessous), il n'y a qu'un seul colonel dans un régiment ; adjudant-commandant, officier supérieur, qui, entre colonel et général de brigade, est chef d'état-major d'une division ou sous-chef d'état-major d'un corps d'armée (ce grade ayant remplacé celui d'adjudant-général en 1800, car celui-ci se prenait souvent pour un général !). Le grade de chef d’escadrons avec un s apparaît sous la Restauration, en 1815, lorsque l’escadron est assimilé à la compagnie : ainsi le chef d’escadrons commande, non plus deux compagnies, mais deux escadrons commandés chacun par un capitaine. En outre, on peut noter que les membres de la Garde peuvent se prévaloir du grade supérieur au leur dans le reste de l’armée où, par exemple, un lieutenant a rang de capitaine.

Pourquoi Napoléon 1er, qui a rétabli le titre de colonel, jugé aristocratique par les révolutionnaires, lesquels l’avaient remplacé par celui de chef de brigade (commandant, en fait, d'une demi-brigade équivalant au régiment), n’a-t-il pas rétabli celui de lieutenant-colonel, qu’il a remplacé par celui de major ?
Voici ce qu’en dit le général baron de Marbot dans ses célèbres Mémoires :
[…] dès que j’eus dit à voix basse : « Le colonel est mort ! » Napoléon, fronçant le sourcil, prononça un Chut ! qui m’imposa silence, et, sans me rendre compte du parti que Sa Majesté voulait tirer de cet événement, je compris que, pour le moment, Elle ne voulait pas savoir que le colonel eût été tué !
L’Empereur, que ses calomniateurs ont accusé de manquer de courage personnel, s’élançant au galop malgré les balles qui sifflaient autour de nous, arrive au centre du régiment et demande où est le colonel. Personne ne dit mot. Napoléon ayant renouvelé sa question, quelques soldats répondent : « Il vient d’être tué ! – Je ne demande pas s’il est mort, mais où il est. » Alors une voix timide annonce qu’il est resté dans le village. « Comment, soldats ! dit Napoléon, vous avez abandonné le corps de votre colonel au pouvoir de l’ennemi ! Sachez qu’un brave régiment doit être toujours en mesure de montrer son aigle et son colonel, mort ou vif ! … Vous avez laissé votre colonel dans ce village, allez le chercher ! »
Le major, saisissant la pensée de Napoléon, s’écria : « Oui, nous sommes déshonorés si nous ne rapportons notre colonel ! » Et il s’élance au pas de course. Le régiment le suit au cri de « Vive l’Empereur ! » s’élance dans Essling, extermine quelques centaines d’Autrichiens, reste maître de la position et reprend le cadavre de son colonel, qu’une compagnie de grenadiers vient déposer aux pieds de l’Empereur. Vous comprenez parfaitement que Napoléon ne tenait nullement à avoir le corps de ce malheureux officier ; mais il avait voulu atteindre le double but de reprendre le village et d’inculquer, dans l’esprit des troupes, que le colonel est un
second drapeau, qu’un bon régiment ne doit jamais abandonner. Cette conviction, dans les moments difficiles, exalte le courage des soldats et les porte à soutenir le combat avec acharnement autour de leur chef, mort ou vif. Aussi, se tournant vers le prince Berthier, l’Empereur, en lui rappelant la discussion du Conseil d’Etat, ajouta : « Si, lorsque j’ai demandé le colonel, il y eût eu ici un lieutenant-colonel au lieu du major, on m’aurait répondu : Le voilà ! L’effet que je voulais obtenir aurait été bien moins grand, car, aux yeux du soldat, les titres de lieutenant-colonel et de colonel sont à peu près synonymes. »



Insignes des grades


Grades Insignes
Ancien, dit appointé ou sous-brigadier (fonction distinguée par un galon) Un galon de laine oblique sur l'avant-bras (à ne pas confondre avec les chevrons d'ancienneté sur le bras)
Caporal ou brigadier (gradé de troupe) Deux galons de laine obliques sur l'avant-bras
Caporal-fourrier ou brigadier-fourrier (fonction distinguée par un galon supplémentaire) Deux galons de laine obliques sur l'avant-bras et un galon argent (armes à cheval) ou or (armes à pied) oblique sur le bras
Sergent ou maréchal des logis (sous-officier) Un galon argent (armes à cheval) ou or (armes à pied) oblique sur l'avant-bras
Sergent-major ou maréchal des logis-chef Deux galons argent ou or obliques sur l'avant-bras
Adjudant sous-officier Sur l'épaule gauche, une épaulette à frange paillettes panachées rouge et argent ou or, avec deux galons longitudinaux argent ou or
Sous-lieutenant (officier subalterne) Sur l'épaule gauche, une épaulette à frange paillettes argent ou or, coupée par deux bandes rouges
Lieutenant Sur l'épaule gauche, une épaulette à frange paillettes argent ou or, coupée par une bande rouge
Lieutenant adjudant-major (fonction distinguée par permutation de l'épaulette et de la contre-épaulette) Sur l'épaule droite, une épaulette à frange paillettes argent ou or, coupée par une bande rouge
Capitaine Sur l'épaule gauche, une épaulette à frange paillettes argent ou or
Capitaine adjudant-major (fonction distinguée par permutation de l'épaulette et de la contre-épaulette) Sur l'épaule droite, une épaulette à frange paillettes argent ou or
Chef de bataillon ou d'escadron (officier supérieur) Sur l'épaule gauche, une épaulette à frange grosses torsades argent ou or
Major en second Deux épaulettes à frange grosses torsades métal de l'arme et attente autre métal, coupée par une bande rouge
Major Deux épaulettes à frange grosses torsades métal de l'arme et attente autre métal
Colonel en second (régiment provisoire) Deux épaulettes à frange grosses torsades argent ou or, coupées par une bande rouge
Colonel Deux épaulettes à frange grosses torsades argent ou or
Adjudant-commandant Deux épaulettes à frange gros bouillons or avec broderies spécifiques remplaçant l'étoile d'adjudant-général
Général de brigade (officier général) Deux épaulettes à frange gros bouillons or avec deux étoiles argent
Général de division Deux épaulettes à frange gros bouillons or avec trois étoiles argent (quatre si général en chef)
Maréchal (dignité) Deux épaulettes à frange gros bouillons or avec deux bâtons de maréchal croisés ou cinq étoiles argent



Fonctions d'état-major dans les unités


Grades ou emplois Fonctions
Caporal-fourrier ou brigadier-fourrier Adjoint au sergent-major ou au maréchal des logis-chef
Sergent-major ou maréchal des logis-chef Adjoint au commandant de compagnie
Adjudant sous-officier Adjoint à l’adjudant-major (deux par bataillon ou escadron)
Lieutenant adjudant-major Adjoint au capitaine adjudant-major
Capitaine adjudant-major Adjoint au chef de bataillon ou d’escadron
Major en second Adjoint au major
Major Adjoint au commandant de régiment et responsable du bataillon de dépôt (recrutement et instruction)
Adjudant-commandant Chef d'état-major d'une division ou sous-chef d'état-major d'un corps d'armée



Tailles


N.B. Au début du XIXe s., en France, la taille moyenne des hommes est de 162 cm au maximum ; celle des femmes, estimée d'après celle des prostituées arrêtées et mesurées, d'environ 150 cm.

Taille moyenne des soldats entre 1800 et 1820
(excluant les hommes réformés pour défaut de taille, soit moins de 154 cm en 1804)
164 cm (études universitaires de David Weir et de John Komlos)
Taille de Napoléon 1er (qui n'était pas petit pour l'époque !) 169 cm
Taille des maréchaux Entre 170 cm et 180 cm (Murat et Bessières), sauf Sérurier : 187 cm, Brune : 192 cm et Mortier : 197 cm !
Taille minimale requise pour une recrue 162 cm en 1799 ; 154 cm en 1804
Taille minimale requise pour les grenadiers de la Garde 178 cm, puis 176 cm
Taille minimale requise pour les chasseurs de la Garde 172 cm, puis 170 cm
Taille minimale requise pour les cuirassiers 173 cm



Charniers des champs de bataille


Tu trembles, carcasse, mais tu tremblerais bien davantage si tu savais où je vais te mener. Turenne


Dans Vivre la Grande Armée. Etre soldat au temps de Napoléon (CNRS Editions, 2023), François Houdecek écrit : Au lendemain de l'affrontement, se dévoilaient, à la vue de tous, les milliers de cadavres humains et animaux qui jonchaient le champ de bataille. Entre autres témoignages, il cite celui du général Dellard qui visite le théâtre des combats au soir de Friedland : « Curieux de voir la ligne qu'avaient tenue les Russes, je la parcourus à deux heures du matin le 15 [juin 1807] et je vis l'horrible dégât que notre artillerie et nos feux de bataillon avaient causé dans les troupes qu'on nous opposait. Ici, c'était un carré démoli sur toutes ses faces et rempli de membres épars, particulièrement de têtes ; là, c'était une masse [de corps réduits à l'état de bouillie] qu'avaient sillonnée, dans tous les sens, nos boulets et obus. Les monceaux de cadavres qui en marquaient la place faisaient présumer que ce qui avait survécu n'était pas considérable. […] Mais ce qui m'étonna davantage, ce fut le massacre que le 15e de ligne avait fait de deux régiments de grenadiers russes qui s'étaient précipités sur lui, le sabre à la main et le fusil en bandoulière. […] les Français et les Russes gisaient pêle-mêle, noyés dans le sang qui avait ruisselé plus là que partout ailleurs. »

[Certains s'émurent] devant le sort des chevaux tués ou blessés qu'on abandonnait sans soins. Au soir de la Moskowa, le chirurgien La Flize [en parle ainsi] : « Nos pauvres chevaux, nos compagnons de misère et de gloire, étaient aussi touchés en grand nombre et d'une manière souvent affreuse. Quelques-uns, frappés à mort, se roulaient sur le sol en poussant des cris de douleur que je n'avais encore jamais entendus chez des chevaux. D'autres se traînaient sur trois jambes […] ; j'en vis un qui avait un boulet dans le ventre […]. »



Hôpital et ambulance de campagne : l'horreur !


Dans ses « Mémoires » (Carnet historique et littéraire, 1889, tome IV, page 92), Wolfe-Tone donne une idée d’un hôpital militaire de campagne en 1813 : […] j’eus, sous les yeux, un spectacle effrayant. Une longue table occupait un des côtés de cette petite pièce, dont le reste était couvert de paille et encombré de pauvres diables mutilés et sanglants. Une douzaine de jeunes chirurgiens, le corps à moitié nu et couvert de sang, mangeant et buvant, coupaient des membres avec toute la célérité possible à mesure que les blessés étaient déposés sur la table, et, dans un coin, où ils formaient un tas hideux, ils jetaient jambes, bras, mains et pieds amputés ; le plancher ruisselait de sang, la paille en était trempée, et il s’écoulait dans l’escalier. […] Quelques vieux soldats faisaient preuve du courage le plus intrépide en fumant pendant qu’on les amputait et en criant : « Vive l’Empereur ! » quand l’opération était terminée.

N.B. Si le soldat mourait au cours de l'amputation, sa pipe tombait et se brisait sur le sol : c'est de là que vient l'expression familière « casser sa pipe » !

Dans L’Armée de Napoléon (Tallandier, 2003), Alain Pigeard rapporte le témoignage du carabinier Jef Abel en 1809 près de Wagram : « […] je tombais sur l’ambulance. Une vraie boucherie. On ne voyait, pêle-mêle, que des morts, des blessés, un éparpillement de bras et de jambes coupés. […] Les blessés pleuraient, criaient ; tous fuyaient, même les blessés qui pouvaient à peine se traîner. » Alain Pigeard précise : En cas d’hémorragie, on fait une compression digitale en amont ; la ligature étant le seul moyen d’hémostase définitive. […] Les complications sont dues à la gangrène gazeuse foudroyante, au tétanos, à la pourriture d’hôpital ; tout cela découlant le plus souvent du manque d’hygiène.

Toutefois, dans La Grande Armée. Analyse d'une machine de guerre (Pierre de Taillac, 2022), Jean-François Brun précise qu'en dépit de ses limites, le service de santé a plus ou moins bien rempli son rôle, qui visait essentiellement à la préservation et au maintien des effectifs, en recourant à la médicalisation de l'avant suivie d'évacuation. Finalement, on est loin des tableaux apocalyptiques complaisamment dressés par nombre d'auteurs ou de mémorialistes. En effet, les sérieuses données chiffrées qu'il présente dans ses tableaux révèlent un taux de décès ou d'invalidité des soldats pris en charge par le service de santé bien plus bas qu'on pourrait le croire, et un taux de guérison bien plus élevé. Juste un exemple cité par le célèbre chirurgien Larrey dans ses Mémoires : durant la campagne de Saxe en 1813, sur les vingt-deux mille blessés traités, 44% ont rejoint leur unité en première ligne, 24% ont été affectés provisoirement ou définitivement en deuxième ligne, 21% ont été réformés et « seulement » 11% sont morts de leurs blessures. De plus, compte tenu de la propension de Larrey à amputer (à la différence de Percy), « seuls » 972 ont subi cette opération, soit 4,40%, dont le quart est décédé des suites. Au total, les pertes s'avèrent relativement faibles pour l'époque et les circonstances, surtout dues aux maladies aggravées par la vitesse de déplacement de la Grande Armée.



Un excellent maréchal d'Empire : Louis-Gabriel Suchet (1770 – 1826)



Source : Wikimedia Commons.

Le maréchal Louis-Gabriel Suchet.



Très éduqué et cultivé, courtois et bienveillant, Suchet s'est surtout montré intègre et soucieux du bien-être de ses soldats, tout le contraire d’un Soult, par exemple, sur ces deux points.
Affable et ferme à la fois, méticuleux et réfléchi, déterminé, capable d’initiative, c’était un grand travailleur, un excellent organisateur, un redoutable tacticien, un habile stratège et un brillant meneur d’hommes.
Nommé à la tête du 3e corps d’armée en Espagne en 1809, Suchet a remporté victoire sur victoire et s’est attiré l’estime de tous par son honnêteté rare, ses qualités d’administrateur et le soin qu’il a apporté à ses troupes, veillant constamment à ce qu’elles soient bien nourries, vêtues et équipées. S’étant finalement emparé d’une citadelle réputée imprenable en 1811, il a enfin obtenu son bâton de maréchal, amplement mérité, à l’âge de quarante et un ans.
Après avoir conquis d’autres places fortes et battu la meilleure armée espagnole, il a été fait duc d’Albufera en 1813, titre que le roi d’Espagne a – geste exceptionnel ! – confirmé pour « la façon chevaleresque dont il a fait la guerre à mes peuples » !!!
Lors des Cent-Jours, Suchet s’est rallié à l’Empereur qui lui a confié le commandement de la région militaire de sa ville de naissance : Lyon. Ayant défendu les Alpes et la Savoie avec brio, il a conclu un armistice avantageux avec les Autrichiens après Waterloo.
Radié des cadres au début de la seconde Restauration, Suchet s’est retiré sur ses terres où il a mené une vie familiale heureuse de gentilhomme campagnard. Sensible et vertueux, il a vraiment beaucoup aimé son épouse, Honorine Anthoine de Saint-Joseph (décédée à quatre-vingt-quatorze ans !), avec qui, malgré une différence d’âge de vingt ans, il a formé un couple uni, puisque, entre autres preuves d’amour, elle l’a suivi à cheval dans ses opérations en Espagne !
A Sainte-Hélène, Napoléon a déclaré : « Si j’avais eu deux maréchaux comme Suchet, je n’aurais pas seulement conquis l’Espagne, je l’aurais gardée ! » et « Si j’avais eu Suchet à la place de Grouchy, je n’aurais pas perdu à Waterloo ! » Bel hommage, même si l’on peut douter que, ces deux conditions ayant été remplies, les effets souhaités se soient produits malgré les indéniables compétences de Suchet.



Un vaillant général de division et baron de l’Empire, né à Annecy : Pierre Decouz (1775 – 1814)




Le général de division Pierre Decouz.

Il porte les croix de commandant* de la Légion d'honneur et de chevalier de la Couronne de fer (1809).



Le 17 mars 1793, alors qu’il n’a pas encore dix-huit ans, Pierre Decouz s’engage dans le 2e bataillon de volontaires du Mont-Blanc, où il est vite élu sous-lieutenant. En automne, au siège de Toulon, il rencontre peut-être Bonaparte. Fin décembre, il est lieutenant et versé dans l’armée d’Italie. En janvier 1797, il est affecté à un état-major et, l’année suivante, il part pour l’Egypte avec l’armée d’Orient. En septembre 1798, à la suite de la bataille des Pyramides, il est promu capitaine à l’état-major du général Lannes, ce qui ne le met nullement à l’abri du danger et des combats. En effet, en juillet 1799, il se distingue notamment à la bataille d’Aboukir et devient chef de bataillon. Adjudant-commandant en mars 1801, il fait la campagne d’Allemagne de 1805 en qualité de sous-chef d’état-major du 5e corps de la Grande Armée. Il déploie tant de vaillance à Austerlitz que l’Empereur le nomme colonel du 21e de ligne. Il conduit ce régiment dans la campagne de Prusse et de Pologne de 1806 - 1807 ; entre autres, il est à Iéna et à Pultusk, où il s’illustre particulièrement. En novembre 1808, il est créé baron de l’Empire. Lors de la campagne d’Autriche de 1809, il s’illustre de nouveau : Napoléon le promeut général de brigade et commandant* de la Légion d’honneur après Wagram. De 1810 à 1813, il sert en Italie. Pour la campagne de Saxe de 1813, il a l’honneur d’occuper le poste de colonel-major commandant, c'est-à-dire chef de corps, du 1er régiment de chasseurs à pied de la Vieille Garde, puis il prend le commandement de la 1ère brigade de la 2e division de la Jeune Garde. En août 1813, sa conduite remarquable au cours des batailles de Lützen et de Bautzen lui permet d’accéder au plus haut grade, celui de général de division. A la tête de la 3e division de la Jeune Garde, il se bat à Dresde, puis à Leipzig. Plus tard, en France, à Brienne, le 29 janvier 1814, il est mortellement blessé de deux balles dans la poitrine et meurt à Paris le 18 février suivant.

* On ne dira « commandeur » qu'à partir de 1816 sous la Restauration.






La Garde impériale donne pour la dernière fois




Tambour des chasseurs à pied de la Garde.



Waterloo, « morne plaine »... Il est sept heures du soir... L'Empereur ordonne un nouvel assaut général de la ligne alliée. Tandis que Reille et d'Erlon poussent de nouveau leurs troupes en tirailleurs et en colonnes vers le plateau, Napoléon forme, en personne, deux vagues d'assaut avec les neuf derniers bataillons disponibles de sa Garde.

Une première vague, sous le maréchal Ney, constituée de cinq bataillons appuyés par une batterie à cheval, attaquera le centre de la droite anglaise ; une seconde vague, sous l'Empereur lui-même (puis sous Cambronne, puis sous Christiani), restera en réserve au pied du plateau avec les quatre autres bataillons.

La première vague d'attaque (moins de trois mille hommes) est organisée en deux colonnes : à droite, les grenadiers à pied sous Roguet (1er bataillon du 3e grenadiers et 4e grenadiers réduit à l'effectif d'un bataillon) ; à gauche, les chasseurs à pied sous Michel (1er et 2e bataillons du 3e chasseurs et 4e chasseurs réduit à l'effectif d'un bataillon), toutes unités de Moyenne Garde.

La seconde vague de réserve comprend le 2e bataillon du 3e grenadiers de Moyenne Garde, détaché vers le château de Gomont (dit au Goumont, déformé en Hougoumont), le 1er bataillon du 2e grenadiers, le 2e bataillon du 1er chasseurs et le 2e bataillon du 2e chasseurs, unités de Vieille Garde (le 2e bataillon du 2e grenadiers et le 1er bataillon du 2e chasseurs étant à Plancenoit sous Pelet, le 1er grenadiers étant à Rossomme sous Petit en protection avancée du Grand quartier général et le 1er bataillon du 1er chasseurs étant au G.Q.G. du Caillou).




Grenadier à pied de la Garde.



Soutenus par le feu redoublé de l'artillerie, les grognards s'élancent au pas de charge en scandant leur marche aux cris de « Vive l'Empereur ! » Quand ils débouchent sur le plateau, un violent tir à mitraille, provenant de toutes les batteries anglaises de réserve, converge sur eux et, les frappant de face et de flanc, leur cause de lourdes pertes. « A chaque décharge, les colonnes ondulaient comme blé au vent », a rapporté un artilleur britannique. Néanmoins, elles poursuivent imperturbablement leur attaque, droit au coeur de l'ennemi !


A droite, malgré le feu meurtrier de deux batteries qui croisent leur tir et la fusillade nourrie des troupes de ligne, le 1er bataillon du 3e grenadiers, qui porte son effort à la charnière des forces britanniques et néerlandaises, d'un seul élan, culbute deux bataillons alliés et repousse deux régiments anglais dont le reflux tourne à la déroute. Au même moment, un peu plus loin sur la gauche, le 4e grenadiers enfonce les deux autres régiments de la brigade britannique : la percée semble réalisée ! Hélas, surgissent une brigade de cavalerie anglaise et une brigade hollando-belge d'infanterie fraîche précédées de batteries à cheval qui tirent de plein fouet à mitraille. Quinze cents cavaliers et trois mille cinq cents fantassins, sans compter ceux de la ligne, contre un millier d'hommes : même les soldats d'élite de la Garde ne peuvent résister et se replient en combattant, en bon ordre.

A gauche, le 3e chasseurs attaque directement la brigade anglaise des gardes, plus nombreuse et bien retranchée. Fonçant à travers la mitraille, il chasse les artilleurs de trois batteries et aborde la ligne de défense. Mais les gardes anglais demeurent invisibles : les soldats se sont en effet couchés dans les blés et, d'un seul coup, se dressent et fusillent les grognards à bout portant de leur tir dense et précis. La décharge est dévastatrice. En une minute, trois cents hommes sont mis hors de combat (le général Michel est tué) ! Les chasseurs, surpris, tentent de se déployer, mais les Britanniques chargent et les soldats de la Garde impériale, bousculés par la fusillade, sont contraints de reculer pas à pas dans un furieux corps à corps. Cependant, le 4e chasseurs arrive et, fort de ce maigre soutien, les grognards contre-attaquent violemment malgré leurs pertes. Sans attendre le choc, les gardes anglais refluent en désordre. Heureusement pour eux, une nouvelle brigade britannique, appuyée par de la cavalerie, vient à leur secours sur le flanc des chasseurs. Selon un historien belge, « accablés par le nombre, fusillés de face et de côté, écharpés par le feu concentrique de l'artillerie, les grognards de la Garde impériale rétrogradent en bon ordre ».


Plus tard, au moment de la déroute française causée par l'irruption de nouvelles forces prussiennes sur les arrières, tandis que la Jeune Garde se fait tuer sur place en défendant le village de Plancenoit, la Vieille Garde, formée en carrés, fait front et tient ferme. Décimée par les assauts conjugués de l'infanterie, de la cavalerie et de l'artillerie alliées, elle serre les rangs, puis se replie lentement en triangles, marquant le pas comme à l'exercice pour repousser les attaques et se reformer. Echappant au déluge de feu, les survivants se réunissent en colonnes et couvrent la retraite de l'Empereur...



Unités de la Garde impériale


Source : La Garde impériale, Ph. J. Haythornthwaite, Osprey Publishing, Oxford, 1997, del Prado, Paris, 2004 pour l'édition en français.



Grenadiers à pied 1er régiment créé dans la Garde impériale en 1804 - 2e régiment créé en 1806 (Vieille Garde)
3e régiment créé en 1811 - 4e régiment créé en 1815 (Moyenne Garde)
Chasseurs à pied 1er régiment créé dans la Garde impériale en 1804 - 2e régiment créé en 1806 (Vieille Garde)
3e régiment et 4e régiment créés en 1815 (Moyenne Garde)
Fusiliers régiment de fusiliers-grenadiers et régiment de fusiliers-chasseurs créés en 1806 (Moyenne Garde)
Tirailleurs 1er régiment et 2e régiment créés en 1809
3e à 6e régiments créés en 1811
7e à 13e régiments créés en 1813
14e à 19e régiments créés en 1814
(Jeune Garde)
Voltigeurs 1er régiment et 2e régiment créés en 1809
3e à 6e régiments créés en 1811
7e à 13e régiments créés en 1813
14e à 19e régiments créés en 1814
(Jeune Garde)
Flanqueurs régiment de flanqueurs-grenadiers créé en 1813 - régiment de flanqueurs-chasseurs créé en 1811 (Jeune Garde)
Grenadiers et chasseurs à cheval régiments créés dans la Garde impériale en 1804 (Vieille Garde)
Dragons régiment créé en 1806, dit « de l'Impératrice » en 1807 (Vieille Garde)
Chevau-légers lanciers 1er régiment (polonais) créé en 1807 (Vieille Garde)
2e régiment (hollandais) créé en 1810 (Moyenne Garde)
Eclaireurs 1er régiment (attaché aux grenadiers), 2e régiment (attaché aux dragons), 3e régiment (attaché aux lanciers) créés en 1813
(Jeune Garde)
Gardes d'honneur 1er à 4e régiments créés en 1813
(composés de jeunes gens aisés s'équipant à leurs frais : appartiennent à la Garde DE FAIT, non DE DROIT !) (Jeune Garde)
Artillerie Artillerie à cheval créée dans la Garde impériale en 1804 (Vieille Garde)
Artillerie à pied créée en 1808 (Vieille Garde et Jeune Garde)
Génie Sapeurs créés en 1810 (Vieille Garde)



Vieille Garde : grenadiers et chasseurs en 1804 (début) et en 1810 ou 1811 (avant Russie)


Source : Histoire de la Garde impériale, Emile Marco de Saint-Hilaire, Eugène Penaud et Cie (éditeurs), Paris, 1847.



Régiment des grenadiers à pied en 1804 : 1716 h. Colonel : Pierre Augustin Hulin, grade de général de brigade
Major : Jean Marie Pierre François Dorsenne
Régiment des chasseurs à pied en 1804 : 1716 h. Colonel : Jérôme Soulès, grade de général de brigade
Major : Jean-Louis Gros
Régiment des grenadiers à cheval en 1804 : 1018 h. Colonel : Michel Ordener, grade de général de brigade
Major : Louis Lepic
Régiment des chasseurs à cheval en 1804 : 1018 h. Colonel : Eugène Beauharnais, grade de général de brigade
Major : François Louis Morland
Corps des grenadiers à pied en 1810 : 3200 h. Colonel commandant*1 : Jean Marie Pierre François Dorsenne, grade de général de division
Colonel en second*2 : François Roguet, grade de général de brigade
Premier régiment de grenadiers à pied Colonel-major commandant*3 : Claude Etienne Michel
Deuxième régiment de grenadiers à pied (issu de la Garde royale hollandaise) Colonel-major commandant : Ralph Dundas Tindal
Corps des chasseurs à pied en 1811 : 3200 h. Colonel commandant : Philibert Jean-Baptiste Curial, grade de général de division
Colonel en second : Pierre Dumoustier, grade de général de brigade
Premier régiment de chasseurs à pied Colonel-major commandant : Jean-Louis Gros
Deuxième régiment de chasseurs à pied Colonel-major commandant : François Rosey
Corps des grenadiers à cheval en 1810 : 1000 h. Colonel commandant : Frédéric Henri Walther, grade de général de division
Colonel en second : Louis Lepic, grade de général de brigade
Corps des chasseurs à cheval en 1810 : 1000 h. Colonel commandant : Charles Levebvre-Desnouettes, grade de général de division
Colonel en second : Claude Etienne Guyot, grade de général de brigade

Explications :

*1  Colonel commandant : titre pour bien marquer qu'il s'agit du chef !

*2  Colonel en second : si, selon la volonté de l'Empereur, il n'y a qu'un seul colonel dans un régiment, il peut y en avoir deux, dont l'un subordonné à l'autre, dans l'état-major d'un corps de la Garde, comprenant plusieurs régiments.

*3  Colonel-major commandant : ce titre étrange pour signifier que les colonels commandant et en second, étant à la tête du corps des grenadiers/chasseurs, avec le grade de général de division/brigade, l'officier qui commande le régiment exerce à la fois la fonction de colonel et de major avec le grade de colonel, voire de général de brigade !



Effectifs de la Garde impériale


Source : Histoire de la Garde impériale, Emile Marco de Saint-Hilaire, Eugène Penaud et Cie (éditeurs), Paris, 1847.



En 1804 9798
En 1805 12187
En 1806 15656
En 1807 15361
En 1808 15392
En 1809 31203
En 1810 32150
En 1811 51960
En 1812 56169
En 1813 92472
En 1814 112482
En 1815 25870



Source : Le Factionnaire par Detaille (Musée de l'Armée).

Grenadier à pied de la Vieille Garde (2 chevrons d'ancienneté : au moins 15 ans de service) en faction auprès de l'Empereur.


GRANDE TENUE : souliers noirs, hautes guêtres blanches avec couvre-pieds et sous-pieds blancs, culotte et gilet blancs, habit à la française bleu impérial à grands revers blancs, collet de fond, parements de manches écarlates avec pattes blanches, et retroussis de basques écarlates, boutons à l'aigle dorés, épaulettes à attente, double tournante et frange écarlates, gants blancs, bandoulière blanche porte-giberne croisée avec baudrier blanc porte-sabre briquet, bretelles blanches pour havresac avec capote roulée au-dessus, bonnet à poil d’ourson avec plaque à l’aigle et grenades en laiton cuivré, avec cordon natté, tresse, raquette et gland blancs, gland frontal blanc et plumet écarlate, sabre briquet avec dragonne à tresse et gland écarlates, fusil modèle 1777 modifié an IX avec baïonnette (voir description détaillée).



Capitaine (à gauche) des chasseurs à pied de la Vieille Garde.


GRANDE TENUE : bottes noires à retroussis avec glands latéraux dorés, culotte et gilet blancs, ceinturon blanc à boucle dorée ornée de l’aigle, habit à la française bleu impérial à grands revers blancs, collet de fond passepoilé de blanc, parements de manches écarlates à liseré blanc en pointe « à la chasseur », et retroussis de basques écarlates, boutons à l'aigle dorés, épaulette à attente, double tournante et frange paillettes or sur l’épaule gauche et contre-épaulette or sur l’épaule droite, hausse-col en laiton cuivré orné du cor de chasse, gants blancs, croix de la Légion d’honneur sous son ruban écarlate, bonnet à poil d’ourson avec cordon natté, deux tresses, raquettes et glands dorés, double gland frontal doré et plumet vert à pointe écarlate, épée avec dragonne à tresse et gland dorés.


Chasseur à pied (à droite) de la Vieille Garde (2 chevrons d'ancienneté : au moins 15 ans de service) en faction et au garde-à-vous.

N.B. En caractères gras, différences entre le chasseur et le grenadier.


GRANDE TENUE : souliers noirs, hautes guêtres blanches avec couvre-pieds et sous-pieds blancs, culotte et gilet blancs, habit à la française bleu impérial à grands revers blancs, collet de fond passepoilé de blanc, parements de manches écarlates à liseré blanc en pointe « à la chasseur », et retroussis de basques écarlates, boutons à l'aigle dorés, épaulettes à attente verte, double tournante et frange écarlates, gants blancs, bandoulière blanche porte-giberne croisée avec baudrier blanc porte-sabre briquet, bonnet à poil d’ourson sans plaque, avec cordon natté, tresse, raquette et gland blancs, gland frontal blanc et plumet vert à pointe écarlate, sabre briquet avec dragonne à tresse verte et gland écarlate, fusil modèle 1777 modifié an IX avec baïonnette (voir description détaillée).



(Dans la Garde, la moustache est de rigueur avec la queue poudrée, les anneaux d’or aux oreilles et les tatouages !)




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Alain Cerri : E-mail.