Source : Robert F. Jeantet, Serveur Savoie.
N.B. On parle ici de surpeuplement d'un territoire quand il y a trop d'habitants par rapport aux ressources disponibles.
L'émigration et l'immigration en Savoie ne sont pas des phénomènes récents.
L'émigration prend de l'importance au XIVe siècle, plus précisément en 1348 à l'arrivée de la grande peste. A la fin du XVe siècle et au début du XVIe, la reprise démographique accentue le mouvement surtout en Maurienne, en Tarentaise et en Faucigny, où il concerne environ dix pour cent des habitants. Avec la conjoncture très défavorable de la fin du XVIe siècle (A bello, fame et peste, « la guerre, la famine, la peste »), l'émigration s'amplifie à tel point qu'elle prend l'allure d'une véritable dépopulation. Cependant, elle a sans doute une fonction d'exutoire puisque la Savoie ne connaît point les soulèvements populaires qui se produisent en France. En gros, on peut, dès cette époque, distinguer trois types d'émigration.
1) L'émigration saisonnière caractérise traditionnellement les pays montagneux, où les longs mois d'hiver obligent nombre d'habitants à chercher ailleurs un complément de ressources. Au XVIe siècle, les colporteurs et les petits marchands partent en foule du Faucigny et de la Tarentaise vers « les Allemagnes ». Même au cours de la bonne saison, c'est une coutume bien établie dans le bas Chablais que de participer aux travaux agricoles de la région genevoise tandis que les fameux maçons de la vallée du Giffre vont travailler sur les chantiers de Suisse et de Franche-Comté.
2) L'émigration temporaire s'observe en Alsace dès la seconde moitié du XVIe siècle. Le mouvement s'accroît au siècle suivant surtout lorsque les marchands savoyens (ainsi que se nomment les gens du peuple à l'époque) suivent les armées françaises en Allemagne. Certains s'établissent alors provisoirement en ville afin de mieux alimenter leur commerce ambulant.
3) L'émigration définitive est avérée lorsque les commerçants deviennent sédentaires et ont pignon sur rue. De brillantes dynasties de négociants savoyens sont ainsi fondées à Fribourg-en-Brisgau (dont Charles François Monfort, de Sallanches, est maire en 1765), à Francfort, à Munich, à Vienne (où Jean-Pierre Bouvard, de Saint-Nicolas-de-Véroce, crée la première raffinerie de sucre), à Bâle... Si la plupart s'installent en Allemagne du Sud et en Suisse alémanique, beaucoup se fixent dans le pays de Vaud, en Valais, en Franche-Comté, en Lorraine, en Alsace ou en Piémont. Au XVIIe siècle, une émigration de la misère s'ajoute à cette émigration de qualité. Déjà à la fin du XVIe siècle, la plus grande ville savoyenne n'est plus Chambéry, mais... Lyon, où un habitant sur cinq vient de Savoie. Néanmoins, les Savoyens ne sont pas seulement portefaix ou manoeuvres, mais exercent cent quarante métiers différents notamment dans le textile et le bâtiment.
Alors que le clergé essaie en vain d'empêcher les départs vers les pays « hérétiques », les souverains encouragent l'émigration saisonnière, qui entraîne une rentrée d'argent, mais interdisent l'émigration définitive qu'ils considèrent comme une soustraction d'obédience.
Au XVIIIe siècle, à cause du surpeuplement des régions de montagne, l'émigration prend une ampleur considérable. Si l'ancienne émigration des colporteurs en hiver et des gens de métiers en été se poursuit principalement vers la France, une nouvelle émigration de masse peuple Paris et les grandes villes françaises de travailleurs peu qualifiés, tels les porteurs et les frotteurs. Fait nouveau : parmi ces gagne-deniers, toujours organisés en groupes très encadrés et solidaires, il y a de plus en plus de femmes et d'enfants... De saisonnière à dominante hivernale, cette émigration devient vite temporaire et même définitive. Comme la plupart des émigrants rapportent ou envoient de l'argent au pays, l'Etat sarde contrôle peu le mouvement migratoire.
Durant la Révolution et l'Empire, l'émigration est freinée par les guerres, mais reprend de plus belle après 1815 en raison de la surpopulation du duché aggravée par les grandes crises de subsistance de 1816 et 1846. Favorisant la circulation des idées, la grande diaspora savoyenne est aussi un facteur de conservatisme dans les communautés désertées par les jeunes. En tout cas, au cours de la première moitié du XIXe siècle, les Savoyards (comme les appellent les Français, de manière dépréciative dans cette période), réputés pour leur habileté et leur honnêteté, se répandent dans toute la France et dans le Piémont. Les plus connus, mais les moins nombreux sont les célèbres petits ramoneurs, des enfants dirigés et exploités, souvent battus, par des maîtres mauriennais, tarins ou faucignerans. Selon Sébastien Mercier dans son Tableau de Paris, les pauvres enfants, de sept ou huit ans, les yeux bandés, la tête couverte d'un sac, la bouche pleine de suie, étouffant presque, doivent descendre et remonter des genoux et du dos dans d'étroites et profondes cheminées au risque de se rompre le cou !
Source : Musée savoisien (fonds Aymonier).
Après 1830, une Société philanthropique aide les Savoyards les plus démunis à trouver, sinon de meilleures conditions de travail, tout au moins un emploi leur permettant de survivre. Quant aux plus audacieux, le goût de l'aventure les pousse aux quatre coins du monde, tel Nicolas Girod de Cluses qui devient maire de La Nouvelle-Orléans en 1813, tels ceux qui se laissent tenter par la ruée vers l'or ou par la colonisation en Algérie, puis en Argentine, où les salaires sont trois à cinq fois supérieurs à ceux de Savoie.
De 1860 à 1914, plus de cent mille Savoisiens (dénomination retenue par les lettrés) émigrent définitivement, surtout en France, mais toujours en Argentine et en Algérie, également au Canada (voir le développement ci-dessous) et aussi en Pologne et en Russie, où, de 1876 à 1914, l'aristocratie francophile recrute un millier de jeunes filles savoisiennes comme institutrices, préceptrices, gouvernantes, femmes de chambre ou cuisinières... Quatre-vingts ans plus tard, l'auteur de cette page suivra la route canadienne de l'émigration savoyarde (appellation sans connotation péjorative au XXe siècle) et rencontrera, à Saint-Claude (Manitoba), un parent d'une connaissance, Jean-Marie Viallet, originaire de Jarrier en Maurienne.
Si les maîtres maçons lombards introduisent le premier art roman en Savoie dès la fin du Xe siècle, l'immigration de banquiers piémontais est attestée au XIe siècle. Avec l'essor des foires de Champagne au XIIIe siècle, certains ouvrent des comptoirs en Savoie (tels les Asinari à Annecy), mais, souvent, la déformation de leur nom dans la langue du pays ne permet pas d'identifier leur origine. Au XVIe siècle, Piémontais, Milanais, Francs-Comtois, Lorrains... immigrent temporairement ou définitivement. A cette époque de floraison des églises baroques dans les hautes vallées, de nombreux maîtres artisans arrivent du Piémont et du Milanais.
A la fin du XIXe siècle, les grands chantiers de travaux publics et les nouvelles industries électrotechniques requièrent de nouveau une main-d'oeuvre étrangère fournie en majorité par les Italiens qui, malgré les violences xénophobes* dont ils sont l'objet, s'intègrent vite par de fréquents mariages mixtes. Ainsi, Charles Cerri, venu du Piémont en 1902, épouse-t-il une Savoyarde d'origine, Rosalie Octavie Joséphine Volland. Après la Première Guerre mondiale, grâce au taux de natalité des Italiens, l'immigration constitue le principal facteur de la croissance démographique.
* Au sujet des violences xénophobes dont les migrants italiens ont été victimes en France et en Savoie à la fin du XIXe siècle, voir Pierre Milza, Voyage en Ritalie (Plon, 1993 - Payot, 1997), notamment le chapitre 4.
A ce propos, sans vouloir nullement prendre une posture victimaire, je me permets tout de même de mentionner, simplement afin de donner un exemple personnel vécu, que, portant un nom piémontais, j'ai, durant les deux ans du cours élémentaire à l'école primaire, au début des années soixante, subi les brimades d'un instituteur nommé Bouchet (Boucher ? Bouché, en tout cas !, patronyme désignant un bois), lesquelles l'auraient conduit au tribunal de nos jours si je les avais rapportées à mes parents. « Hussard noir de la République ? » Sans avoir le courage du hussard, cet instituteur en avait certainement la noirceur et la brutalité ! Toutefois, pour être honnête, je dois ajouter que mon instituteur du cours moyen, Monsieur Carme, était, dans sa blouse grise, un vrai et excellent « hussard noir de la République », dont je garde un très bon souvenir.
Source : article du chanoine Dechavassine, tiré de La Revue savoisienne (1959), publiée par l’Académie Florimontane (« Fleurs et montagnes »), héritière de la première académie de langue française, créée en 1606 (vingt-huit ans avant l’Académie française) à Annecy par Antoine Favre, président du Conseil d’Etat du Genevois, apanage du duché de Savoie, et par François de Sales, prince-évêque de Genève, résidant à Annecy.
Selon l’abbé Picton de Saint-Boniface (Winnipeg, Manitoba), un certain nombre de Savoyards avaient déjà émigré en Nouvelle-France et en Louisiane au XVIIe et au XVIIIe siècles, surtout des soldats, tel Sébastien de Villieu, originaire de Chambéry et officier dans le régiment de Carignan-Salières*. Un Savoyard, Pierre Curtaz, arrivé avant 1850 dans l’Ouest canadien, est même resté légendaire : missionnaire, puis chasseur de bisons, il a épousé une jeune métisse et s’est fixé au Manitoba, où il a acquis une grande renommée en qualité de bailli, officier de justice.
Cependant, l’émigration savoyarde vers le Canada a vraiment commencé après l’annexion de la Savoie à la France (1860), en 1873. Elle est toutefois demeurée modeste, car elle a subi la concurrence de destinations attractives : l’Argentine et l’Algérie !
En 1873, la plupart des premiers migrants savoyards se sont arrêtés au Québec, l’Ouest n’étant pas encore ouvert à l’émigration agricole. Mais, entre 1885 et 1905, l’appel officiel à la colonisation des provinces de l’Ouest par un Commissariat général à Paris, appel renforcé par la propagande de la presse et d’agences d’émigration, a accentué le mouvement migrateur. L’année 1904 a été la plus favorable à la suite des persécutions religieuses et de l’augmentation excessive des impôts en France, d’après les mémoires d’un émigrant, Jean-Louis Picton : plusieurs familles mauriennaises ont fui la France et se sont établies au Manitoba tandis que d'autres, venues de La Roche-sur-Foron, se sont installées en Saskatchewan.
Au Manitoba, à côté de la capitale Winnipeg, la ville de Saint-Boniface était le centre de la vie française à l’Ouest, avec notamment son archevêché et son collège de jésuites. En effet, ce sont les religieux qui ont organisé la recherche et l’installation des colons dans la région, dont beaucoup de Savoyards ou de Francs-Comtois et de Suisses d’origine savoyarde, particulièrement nombreux à Notre-Dame-de-Lourdes, à Saint-Claude et à Haywood ! Leurs débuts ont été extrêmement pénibles du fait de la rigueur du climat continental, de l’absence totale de communications et des travaux de défrichement… Par la suite, les crises agricoles, au début du XXe siècle, puis entre les deux guerres mondiales (de 1921 à 1927, et de 1930 à 1937), ont durement éprouvé les cultivateurs.
Parmi toutes les implantations au Manitoba, la fondation originale de Fannystelle mérite d’être contée. Vers 1885, la comtesse Marthe d'Albuféra, petite-fille du maréchal Suchet, a décidé de fonder une colonie dans l’Ouest canadien, à laquelle elle a donné le nom de Fannystelle (ou « étoile de Fanny ») en hommage à sa dame de compagnie, Fanny Rives, décédée en 1883. Pour mémoire, le maréchal Suchet, duc d’Albuféra, seul maréchal à avoir gagné son bâton pour ses victoires en Espagne, était très apprécié de Napoléon, qui a déclaré à Sainte-Hélène : « Si j'avais eu deux maréchaux comme Suchet, je n'aurais pas seulement conquis l'Espagne, je l'aurais aussi gardée. » Cela dit, le chanoine Rosemberg, conseiller de la comtesse, a recruté des colons surtout en Savoie, province réputée très catholique. Pour sa part, la comtesse a acheté des terres, du matériel agricole et des animaux qu’elle a loués aux fermiers, à charge, pour eux, de défricher et de labourer, ce qui n’allait pas sans mal en raison du climat rigoureux, des moustiques, du manque d’eau potable, des feux de prairies, etc. Mais la terre a produit de bonnes récoltes de céréales qu’il fallait transporter à une soixantaine de kilomètres pour les faire moudre.
Au tournant du siècle, plusieurs familles de la vallée de Thônes et des environs des Bornes ont émigré dans le nord de la Sakatchewan, où s’est distingué Louis Veillard, fondateur de Veillardville. Parti pour le Manitoba à dix-huit ans en 1908, celui-ci est revenu en France afin d’y effectuer son service militaire, puis, comme sous-officier de chasseurs alpins, la guerre de 14-18, qu’il a terminée au grade de lieutenant, titulaire de la médaille militaire. S’étant marié, il est reparti au Canada avec son épouse, dans le nord de la Sakatchewan, où, à force de volonté et de travail, il a créé une colonie qui porte son nom et où il a fini par occuper d’importantes fonctions administratives.
Des émigrés savoyards sont aussi allés plus à l’ouest : en Alberta, où un curé mauriennais, l’abbé Jean-François Ferroux, a convaincu bon nombre de familles savoyardes de venir s’installer dans les grandes plaines de l’Ouest canadien, dans lesquelles il a fondé la colonie de Notre-Dame-de-Savoie. Néanmoins, si, au sud de Calgary, le marquis Roussy de Sales (descendant de la famille de saint François de Sales) s’est établi avec son épouse et ses onze enfants, la fondation de l’abbé Ferroux a été un échec, et celui-ci est parti pour la Colombie britannique avec quelques fidèles, où il a, cette fois, connu le succès à Carmi. Dans cette province, un autre Savoyard, Joseph Guichon, s’est distingué : ancien mineur au moment de la ruée vers l’or, il s’est reconverti dans l’élevage et a exploité un immense ranch de bovins et d’ovins.
En fin de compte, les émigrés savoyards ont joué, dans ce pays neuf d’Amérique du Nord, un rôle important, aussi bien sur le plan économique que sur le plan culturel.
Source : Radio-Canada (2017). Léon Filliol, parti de Lanslevillard en Maurienne (Savoie) pour le Canada en 1904, a relaté, entre autres, sa rencontre avec des « Peaux-Rouges », probablement des Kootenays, dans le village de Cranbrook en Colombie-Britannique : « Quand je suis arrivé à Cranbrook, ce sont de véritables images de western qui m'ont sauté aux yeux. [...] On s'attendait à voir, à chaque instant, tournant le coin de la rue, des Peaux-Rouges avec leurs plumes. Ces Indiens, j'allais bientôt faire leur connaissance. Ils travaillaient sur la coupe avec nous, et n'avaient rien de belliqueux, bien au contraire : on ne pouvait trouver meilleurs copains. Ils habitaient, dans la forêt, des villages de cabanes en rondins. Ils se déplaçaient toujours à cheval, les hommes comme les femmes avec leur enfant attaché dans le dos. D'humeur joyeuse, ils étaient d'un abord facile. Pour moi, ils avaient une qualité rare : ils parlaient le français. Pourquoi ? Parce qu'au moment de la séparation de l'Église et de l'État en France, beaucoup de congrégations religieuses avaient été expulsées. Elles étaient venues au Canada évangéliser les Indiens de la forêt. »
* Le régiment de Carignan-Salières est issu de la fusion en 1658 du régiment français de Salières (marquis de Salières) et du régiment piémontais de Carignan (prince de Carignan), que Emmanuel-Philibert de Savoie, second prince de Carignan, a cédé à la couronne de France.
Source : Wikimedia Commons.
En 1665, le régiment (environ douze cents hommes organisés en une vingtaine de compagnies) est envoyé en Nouvelle-France afin de lutter contre les Iroquois qui tuent les colons et pillent la colonie.
Le régiment de Carignan-Salières est l’un des premiers à être doté d’un véritable uniforme. Les soldats portent un long habit de drap, des souliers de cuir et un chapeau en feutre à larges bords protégeant le visage de la pluie. Par grand froid, sous une toque de fourrure, ils revêtent un épais manteau, s’équipent de jambières et de chauds mocassins.
La plupart d’entre eux sont armés d’une baïonnette et d’un mousquet* à mèche, mais, à l’embarquement, leur sont attribuées trois cents nouvelles armes à silex (plus fiable, sans flamme externe et permettant une cadence de tir plus élevée) : deux cents mousquets et cent pistolets. Les officiers ont une épée et une courte pique, symboles de leur autorité.
Source : Wikimedia Commons.
Dès 1665, les soldats construisent trois forts sur les bords de la rivière dite des Iroquois (future rivière Richelieu) : Saint-Louis, Sainte-Thérèse et Richelieu. L’année suivante, ils édifient deux autres forts : Sainte-Anne et Saint-Jean.
En janvier 1666, une première expédition est lancée contre les Iroquois avec environ cinq cents hommes (trois cents soldats et deux cents miliciens de la colonie). Mal préparée à la fois sur le plan opérationnel (défaut de renseignements) et sur le plan logistique (manque d’équipements d’hiver), elle échoue totalement : non seulement les troupes s’égarent et n’affrontent pas l’ennemi, mais elles perdent soixante hommes dans le froid et les embuscades. Une seule et fortuite petite attaque française coûte la vie à six soldats, dont un officier, et à un milicien pour seulement quatre Mohawks tués.
En juillet 1666, comme des soldats partis chasser tombent dans un piège, où sept sont abattus et quatre faits prisonniers, quelque deux cents hommes reçoivent la mission de les libérer : les Iroquois, rencontrés en chemin, sont contraints de rendre les captifs et de négocier.
Cependant, les pourparlers s’éternisent et une troisième expédition est lancée fin septembre 1666, cette fois avec six cents soldats, six cents miliciens de la colonie et une centaine de guerriers algonquins et autres alliés. Cent cinquante embarcations favorisent un déplacement rapide. Toutefois, sans attendre l’arrivée de ces formations imposantes, les Iroquois abandonnent leurs quatre villages aux longues maisons, que les attaquants détruisent avant de s’emparer du territoire au nom du roi de France.
A la suite de cette démonstration de force et en raison d'épidémies qui les frappent durement, les Iroquois capitulent : en juillet 1667, la paix (dite la Grande Paix de 1667) est finalement conclue et durera près de vingt ans. Le régiment de Carignan-Salières est alors démobilisé, mais on offre aux soldats la possibilité de renforcer la colonie en leur donnant des terres à cultiver : le tiers d’entre eux, soit plus de quatre cents hommes, acceptent, les autres retournant en métropole entre 1667 et 1668. A noter que les soldats demeurés en Nouvelle-France ont engendré un si grand nombre d’enfants que dix pour cent des actuels Québécois de souche seraient leurs descendants !
* Le mousquet est une arme à feu portative d’épaule. Apparu au début du XVIe siècle, il succède à l'arquebuse et précède le fusil. Son nom vient de l’italien moschetto, issu du latin musca, « mouche », car sa balle, invisible en vol à la vitesse de trois cents mètres à la seconde, sifflait aux oreilles des soldats comme une mouche ! En 1660, allégé et raccourci, il peut être utilisé sans appui sur une petite fourche dite « fourquine ». En effet, la longueur du canon a été rapportée de cent vingt à quatre-vingt-dix centimètres et le calibre de vingt à dix-huit millimètres. La balle ronde est enveloppée d’un « canepin », pièce de tissu graissé au suif, pour la caler dans le canon. Entre celui-ci et la crosse, se trouve la platine où l’allumage s’effectue encore, sur la plupart des mousquets à cette époque, de l’extérieur au moyen d’une mèche tenue par un serpentin (évoquant une tête de serpent), même si un allumage interne au moyen d’un silex rabattu par un chien (évoquant la tête de cet animal) commence à doter les nouveaux mousquets dits à « fusil ». L’arme a une portée pratique de plus de deux cents mètres, mais n’est vraiment précise qu’à une centaine de mètres, et, en général, le feu de salve, de deux à trois coups à la minute au maximum, est ordonné à cinquante mètres de la cible. (Pour le principe de fonctionnement du mousquet à mèche et surtout à silex, voir le fusil 1777.)