Annecy, étymologies locales en bref

Annecy, étymologies locales en bref

Y compris tous les toponymes et hydronymes sur la carte ci-dessous de Pierre Broise

Page modifiée et augmentée le 29 avril 2025.





N.B. En Gaule romaine, les qualificatifs des propriétés agricoles (villae) étaient formés soit à partir du nom de famille (nomen gentilicium) du propriétaire, soit de son surnom (cognomen) : le suffixe, généralement en -ius, du premier et celui, souvent en -us, du second étaient remplacés par le suffixe locatif -iacus (-iaca au féminin) dans un adjectif s'accordant avec le nom féminin villa.


ALBIGNY

Nom issu de la villa Albiniaca, « propriété agricole d'Albinus », appartenant peut-être à Titus Pompeius Albinus, chevalier romain, ancien tribun angusticlave à la VIe légion Victrix, puis, dans la cité de Vienne, l'un des deux magistrats suprêmes (duumviri), chargé de la justice (duumvir jure dicundo), résidant à Arbin, près de Montmélian, décédé vers 68 apr. J.-C., qui possédait de nombreux domaines.


ALéRY

Nom issu de la villa Aleriaca, « propriété agricole d'Alerius », gentilice romain.


ANNECY

(Voir l'explication détaillée.)

Nom issu de la villa Aniciaca, « propriété agricole d'Anicius », sur la colline d'Annecy-le-Vieux, appartenant à la puissante famille des Anicii, qui existait encore après la chute de l'empire d'Occident. Le gentilice Anicius vient d’un terme grec signifiant « toujours victorieux ». La gens Anicia, une des plus illustres de Rome, avait de nombreuses possessions dans tout le monde romain. En 867, le roi de Lotharingie, Lothaire II, cède à son épouse Theutberge, entre autres domaines, celui d'Anesciacum, qui a donné Annecy après plusieurs déformations au cours du Moyen Age.


BALMETTES

Nom (quartier d'Annecy, pas sur la carte) signifiant « petites grottes », issu du savoyard et du gaulois balma, « grotte ».


BAUGES

Nom (massif montagneux préalpin, pas sur la carte) issu du latin tardif bogia, « cabane rustique ».


BORNES

Nom (massif montagneux préalpin, pas sur la carte) issu du latin tardif bodena, « borne frontière ». En effet, selon l’historien Pierre Duparc, cette région, comprenant aussi le plateau des Bornes, qui s’étend, en gros, de la vallée de l’Arve à celle du Fier, constituait une sorte de « marche frontière » au Moyen Age.


BOUGERIES

Nom issu du gaulois bodiga, « terre en friche ».


BO(U)VERIE

Nom issu du latin bovarius/a/um, « relatif aux boeufs », indiquant l'emplacement d'une étable pour les boeufs.


BROGNY

Nom issu de la villa (Am)broniaca, « propriété agricole d'(Am)bronius », personnage gallo-romain. Le fundus (domaine foncier d'une propriété agricole ou villa) Ambroniacus couvrait, selon l'archéologue Pierre Broise, quelque « cent soixante-dix hectares de part et d’autre de la voie de Genève entre le Fier et le crêt de la Varde, englobant entre autres les mas* des Iles et du Petit-Brogny ».  Dès l’époque romaine, le pont sur le Fier était un ouvrage en pierre, sur lequel passait la voie pavée de Boutae à Genava. La majorité des ponts médiévaux étant en bois, il a fallu attendre 1578 afin de revoir un pont en pierre à Brogny, hameau qui, au Moyen Age, jouait aussi un rôle de rempart sanitaire à l’égard de la ville d'Annecy avec sa « maladière » pour les lépreux. Egalement avant-poste militaire, il a été le théâtre de plusieurs combats et escarmouches au cours de l’histoire ainsi que le lieu de naissance, en 1342, du célèbre cardinal de Brogny.

* Terme dérivé du latin médiéval mansus, « manse », unité d'exploitation agricole, regroupant, en l'occurrence, des parcelles romaines, des centuries.


CHEVE(S)NE

Nom (ancienne forêt au bord du Thiou) issu d'un poisson d'eau douce à grosse tête et à fortes écailles, du latin capito*, « poisson à grosse tête », nommé aussi cephalus ou squalus cephalus, « poisson à écailles et à grosse tête ».

* Mot mentionné, par exemple, par Decimus Magnus Ausonius (Ausone), poète du IVe siècle, dans le poème Mosella, aux vers 85-86 : Squameus herbosas capito inter lucet harenas Viscere praetenero, fartim congestus aristis [...]. (Ma traduction : « Parmi les sables herbeux, luit l'écailleux chevesne à la chair tendre, [rempli de manière à être] bourré d’arêtes. »)


DEVENS

Nom (croix du) issu du latin defensus, « protégé, défendu », indiquant, au Moyen Age, que le terrain était réservé au seigneur et que l'on ne pouvait y faire paître ses bêtes (pré) ou y couper du bois (forêt) sans autorisation de celui-ci.


DINGY

(Voir La mystérieuse inscription sur la voie romaine de Dingy-Saint-Clair.)

Nom issu de la villa Tinciaca, « propriété agricole de Tincius », gentilice gallo-romain.


FIER

(Voir l'explication détaillée.)

Nom (torrent, appelé autrefois Cier, prononcez « sié ») sans doute issu du latin ciere, « se mettre en mouvement ». En outre, le participe passé de ce verbe, citus, « vif, rapide », a donné excitus, « excité, agité », qualificatifs qui conviennent bien au Fier.


FINS

(Voir l'explication détaillée.)

Nom (plaine) issu du latin finis, « limite », en l'occurrence limites des champs (fines agrorum).


GEVRIER

Nom issu de la villa Gabriaca, « propriété agricole de Gabrius », personnage gallo-romain.


GRANGETTE

Nom signifiant « petite grange », issu du latin populaire granica, « grange », dérivé du latin classique granum, « grain ».


ISERNON

Nom (cours d'eau) issu du gaulois isara, « impétueux, coulant rapidement », avec, ici, le diminutif -on.


LOVERCHY

Nom issu de la villa Luperciaca, « propriété agricole de Lupercus », patronyme romain selon Martial (Epigrammes, I, 117 : Occuris quotiens, Luperce, nobis..., « Toutes les fois que tu me rencontres, Lupercus... »  - le mot est ici au vocatif, cas employé lorsqu'on s'adresse directement à quelqu'un). Si les termes lovere/lovereche désignent, surtout dans le Jura et le pays de Vaud, des lieux fréquentés par les loups, du latin lupus, « loup », et luparia, « louvière », ceux de loverchie (1227) et de loverchiez (1335), observés près d'Annecy, se rapportent plutôt à la propriété susmentionnée.


MARGERIA(Z)

Nom issu du latin mulgaria, « vase à traire », indiquant l'emplacement d'une étable ou d'une bergerie.


MORENS

Nom sans doute issu du participe passé moratus du verbe latin morari pouvant signifier « rester, demeurer », car ce terme, devenu un patronyme, se trouve à plusieurs reprises dans la région, par exemple à Annecy et à Flumet, pour désigner un pont en pierre (pont Morens, pons Morenus dans les chartes) par rapport à un pont en bois vite emporté par la crue des eaux.


NOVEL

Nom issu du latin classique novellus/a/um, « nouveau/récent/jeune », et précisément du latin tardif novella, « jeune plantation » (selon Flavius Cresconius Corippus, évêque d'Afrique romaine au VIe siècle apr. J.-C.), désignant ensuite une « terre récemment défrichée », par ex. dans une charte médiévale octroyée au manoir de Novel par Guillaume II, comte de Genève : apud novellas juxta Nanciacum, « aux terres nouvelles à côté d'Annecy ».


PÂQUIER

Nom issu du latin pascua, « pâturage ». Sur la carte ci-dessus, on distingue quatre pâquiers médiévaux : au nord-est, le pâquier actuel dit pâquier Mossière, du nom d’une ancienne famille de la bourgeoisie d’Annecy, mentionnée en 1387 ; au nord-ouest, le pâquier Thiol(l)ière, terme issu du latin populaire tiola, « tuile », indiquant l’endroit où l’on fabriquait les tuiles au temps des Romains ; au sud-est, le pâquier du Tillier, terme issu du latin classique tilia, « tilleul », évoquant un chemin bordé de tilleuls abattus en mars 1753 ; au sud-ouest, le pâquier du Sépulcre, rappelant les chanoines du Saint-Sépulcre établis là en 1348.


PEREISOUZE

Nom (fontaine de) sous toutes réserves issu du savoyard pera, « pierre », et soursa/sose, « source ».


PERRIèRE

Nom (pierrier, carrière, pas sur la carte) issu du roman pera et du latin petra, « roc, pierre ». Ce terme a donné le nom de la porte médiévale à l'est de la Vieille Ville d'Annecy.


PUISOTS

Nom issu du latin puteus, « puits ».


PUYA

Nom (montée raide) issu du latin podium (au pluriel podia), « petite éminence en balcon », voire issu du latin technique podia (au pluriel podiae), « sorte de câble » (pour aider les chariots à gravir la pente ?).

Sur ce promontoire, faut-il suivre le chanoine François Coutin, selon lequel le mystérieux et romantique nom de Colmyr serait issu du latin collis mirus, « colline merveilleuse » (collis étant masculin en latin) ?


SACCONGE(S)

Nom peut-être issu du burgonde sacconingos, indiquant le domaine d'un certain Sacco.


SAVOIE

(Voir l'explication détaillée de l'origine du nom.)

(Voir l'histoire de la Savoie.)

Nom issu de Sapaudia, « pays des sapins » (du celte sap, « résine », d'où sapo, « sapin », et uidia, « forêt », ce qui a donné sapa-iudia), région du sud-est de la Gaule, d'abord située dans le Jura et environs, puis sur le territoire de la future Savoie.


SEMNOZ

Nom certainement issu du latin summum, « sommet, point le plus élevé », qui a donné som/semn, auquel s'est ajoutée la finale caractéristique du francoprovençal en -oz.


SEVRIER

Nom issu de la villa Severiaca, « propriété agricole de Severius », gentilice romain, ou « de Severus », surnom romain, « sérieux, grave, austère ». A propos de Sevrier, qui, par une loi, a perdu son accent en français, rappelons qu'en latin classique, toutes les lettres se prononcent (en l'occurrence, e comme é ou è) séparément et gardent toujours le même son (voir la note sur la prononciation du latin).


SEYNOD

Nom (localité appelée Sagenadum au IXe siècle) peut-être issu du latin saginarium, « lieu où l'on engraisse la volaille ».


TEPPES

Nom (quartier d'Annecy, pas sur la carte) issu du savoyard tèpa, « friche ».

N.B. On trouve parfois ce mot orthographié teppaz, mais, dans l'écriture du francoprovençal, un z à la fin d'un mot ne se prononce pas et indique simplement que la dernière voyelle est atone, donc on doit dire tepp(a), sans accentuer le a.


THIOU

(Voir l'explication détaillée.)

Nom (émissaire du lac) issu du latin populaire tiola, dérivé du latin classique tegula, « tuile », puisque, à l'orée de la forêt de Chevesne, le pâquier médiéval Thiol(l)ière, en bordure du Thiou, indique l'endroit où l'on extrayait l'argile et où l'on fabriquait les tuiles. En effet, on a découvert, en ce lieu, l'emplacement de fours gallo-romains, qui bénéficiaient de la proximité à la fois des bancs d'argile du Thiou et, très gourmands en bois de chauffe, des arbres de la vaste forêt de Chevesne.


VEYRIER

Nom (lieu-dit et montagne au-dessus, pas sur la carte) issu de la villa Veriaca, « propriété agricole de Verius », appartenant sans doute à la famille romaine des Verii, très présente à Boutae.


VIGNIèRES

Nom issu du substantif latin vinea, « vigne », et précisément de l'adjectif vinearius/a/um, « de la vigne ».


VOVRAY

Nom issu du latin tardif vavra, « terre inculte ».




Sources : Termes régionaux de Suisse romande et de Savoie de Henry Suter, Dictionnaire français-savoyard de Roger Viret, Dictionnaire des racines celtiques de Pierre Malvezin, Dictionnaire latin-français de Félix Gaffiot, Dictionnaire latin-français de Henri Bornecque.




Histoire de la ville d'Annecy


Annecy au temps des Romains





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